Les petits gestes ne sont pas l’apanage des consommateurs. Les entreprises aussi doivent faire leur part. Et cela passe notamment par une gestion plus responsable de leurs équipements, y compris informatiques. Réutiliser, reconditionner, recycler… Pour être plus vertueuses, elles doivent innover. Et surtout rompre avec le dogme du neuf. Mathilde Saint-Pol Cousteix, directrice générale de Technology Management & Financing France du groupe Econocom spécialisé dans la transformation numérique des entreprises, plaide pour une nouvelle approche de la gestion du matériel et, plus généralement, de leurs achats. Interview.
Econocom a été créé il y a plus de 50 ans. Comment ont évolué les problématiques des entreprises en matière de RSE ?
Mathilde Saint-Pol Cousteix : À l’origine de la création d’Econocom, notre métier fondateur était la revente de matériel informatique d’occasion. Cela permettait aux entreprises qui n’avaient pas les moyens d’acheter du matériel neuf de s’équiper à moindre coût. Et cela offrait une deuxième vie aux équipements informatiques. Puis on a développé des solutions locatives pour favoriser l’accès aux serveurs. C’était assez précurseur de se lancer dans l’économie circulaire, il y a 50 ans ! Et on continue aujourd’hui, différemment, parce que l’informatique a changé. Nous aidons nos clients à s’inscrire dans une logique de durabilité des équipements, en allongeant la durée de vie de leurs équipements grâce à des solutions de maintenance et de reconditionnement et en se préoccupant des vies successives de leurs actifs. Et cela se traduit aussi bien de manière écologique que sociale, en faisant appel à des entreprises adaptées ou de l’économie sociale et solidaire pour le recyclage des équipements, par exemple.
Le réemploi et le reconditionnement d’équipements sont-ils entrés dans les usages des entreprises ?
M. S.-P. C. : Culturellement, on constate une évolution. Les entreprises sont de plus en plus sensibilisées à ces sujets. Mais lorsqu’un nouveau collaborateur arrive dans une entreprise, il est toujours d’usage de lui fournir un matériel neuf. Cela fait encore partie des avantages que l’on offre à un collaborateur. Il faut repenser la manière dont on consomme, dont on utilise. Et reconsidérer nos besoins par rapport à certains fondamentaux, sans chercher la nouveauté à tout prix. L’acculturation des utilisateurs va évoluer avec la jeune génération. Mais elle devra composer avec une certaine schizophrénie : vouloir s’inscrire dans une démarche responsable tout en possédant le dernier iPhone…
Est-ce si difficile de passer du discours aux actes ?
M. S.-P. C. : Il y a les intentions et il y a la mise en œuvre. Beaucoup d’entreprises restent au stade des intentions. Cela se voit parce que, même si les entreprises sont vertueuses, elles ne font pas de la RSE pour la RSE. Elles y sont obligées d’une part pour des raisons économiques parce que le coût de l’énergie a augmenté ; d’autre part parce que la réglementation évolue. C’est un mouvement de fond, qui a débuté il y a plusieurs années maintenant avec un effort de conviction de la part des entreprises qui avaient envie de s’inscrire dans cette mouvance. Aujourd’hui, ce n’est plus seulement une affaire de conviction mais de conformité. Et la réglementation est nécessaire ! À l’instar des quotas en matière de mixité, cela impose aux entreprises de faire les choses plus vite. C’est une incitation forte qui va accélérer le mouvement. Les entreprises doivent investir pour se transformer et se conformer. Il y a aujourd’hui une pression de la RSE qui pèse sur les entreprises, sans compter l’image de leur marque que leur stratégie RSE renvoie…
L’idée est d’offrir des solutions aux entreprises pour rendre cette transition possible ? De récompenser celles qui osent plus que de punir celles qui rechignent ?
M. S.-P. C. : Dans cette dialectique de taxation et de récompense, il faut se rappeler que l’écologie a un coût. La transition a un coût. Notre rôle est de faire en sorte que ce coût puisse être absorbé par les entreprises et que l’impact positif de cette transition sur les entreprises soit en mesure de financer les investissements nécessaires. Les entreprises ont un intérêt économique évident à effectuer cette transition. À ce titre, la crise de l’énergie constitue un facteur majeur. Les entreprises qui n’avaient pas réfléchi à leur sobriété sont désormais obligées de le faire pour des raisons économiques.
Cette transition est-elle l’apanage des grands groupes ?
M. S.-P. C. : Notre cœur de cible sont effectivement les grands corporates et les ETI. Les grandes entreprises ont davantage de moyens pour mettre en œuvre cette transition. Ce sont elles qui créent le mouvement. Mais du côté des PME, il faudra aussi se saisir du sujet de manière industrielle pour les aider à s’inscrire dans cette mouvance. Économiquement, elles ont été plus affectées par la crise de l’énergie que les grandes entreprises… Et si les petites entreprises ne font pas partie du scope 1 ou 2 des grands groupes, elles font partie de leur scope 3. Or les grandes entreprises choisiront leurs fournisseurs en fonction de leur impact. Elles ont donc tout intérêt à s’en préoccuper si elles ne veulent pas être mises de côté par leurs clients.
Biographie
Après de premières expériences dans l’univers financier, Mathilde Saint-Pol Cousteix rejoint le groupe ECS en 2006 en tant que chargée de financement. En 2011, lorsque l’entreprise est rachetée par le groupe européen Econocom, elle en devient la directrice du financement. Puis y évolue jusqu’à devenir deputy managing director de la branche française. Elle quitte l’entreprise en 2019 avant d’y revenir en 2022, après un passage chez Rigby Capital comme COO. Aujourd’hui, elle est directrice générale de Technology Management & Financing France.
Félicitations Mathilde, merci de promouvoir cette démarche engagée pour la préservation des réserves et ressources des futures générations.