En matière d’engagement climatique, l’inaction, c’est toujours la faute des autres ! C’est ce qu’a schématisé Pierre Peyretou, professeur affilié à l’ESCP et animateur de la Fresque du Climat, au sein du « triangle de l’inaction ». En d’autres termes, si rien ne change, c’est parce que politiques, entreprises et individus se renvoient constamment la balle. Les lois pourront-elles changer la donne ? Pierre Gomy, directeur marketing senior luxe et durabilité chez Kantar, le pense. « Sans contrainte, les choses n’avancent pas. Légiférer, c’est s’assurer que le changement ne dépende pas que de la bonne volonté de quelques-uns », estime-t-il. La mise en application de la CSRD serait ainsi à l’origine des bons résultats du dernier baromètre RSE, publié par Vendredi et Kantar Insights.
Augmentation des ressources RSE
Les entreprises interrogées sont 78% à internaliser une équipe RSE, et 76% à avoir un budget dédié. Une évolution marquée par rapport à 2022 (68%). Autre signal fort : dans 70% des cas, la RSE est directement rattaché au Comex, contre 63% en 2022. Pierre Gomy s’en réjouit : la RSE est enfin considérée comme un sujet stratégique pour l’entreprise. « Tandis que de nombreuses organisations restent ancrées dans un ancien modèle économique, certaines vont de l’avant. Un Comex engagé est forcément moteur. Au-delà de la législation et des convictions, c’est parce que la RSE devient un réel enjeu business », analyse-t-il.
Un constat appuyé par un autre chiffre du baromètre. 49% des citoyens interrogés à travers le monde placent l’environnement en tête de leurs préoccupations. « Les entreprises doivent proposer en adéquation avec les attentes des consommateurs. C’est l’occasion de redéfinir la valeur et de sortir d’une logique de profit à court terme. »
Lever les derniers freins pour investir en RSE
Cela dit, les progrès mesurés par le baromètre concernent surtout… les grands groupes. Du côté des plus petites entreprises, le changement prend plus de temps. Ainsi, 61% des grandes entreprises interrogées ont au moins un label RSE, contre 39% de l’échantillon global. Parmi les freins évoqués, le manque de temps et d’équipe dédiée est cité par 82% des répondants comme étant « important ». Viennent ensuite les difficultés liées à la mesure d’impact et du ROI pour 74% des entreprises. Enfin, se pose la question du budget : 65% des entreprises le vivent comme un obstacle, contre 58% en 2022.
Pour Pierre Gomy, les succès à venir pourront atténuer les écarts et les freins évoqués. « Je vois d’un bon œil que les grandes entreprises soient en avance de phase. Elles ont les capacités de montrer que dédier des ressources et du budget à la RSE peut mener à de grands succès. C’est cela qui permettra de considérer les actions menées comme des investissements plutôt que des coûts. »
Malcom Ouzeri, directeur marketing chez Vendredi, invite les dirigeants à repenser la façon dont le budget RSE est considéré. « Plutôt que d’en faire une ligne supplémentaire dans un tableau, il doit être intégré dans les coûts fixes de l’entreprise. » De cette façon, le budget consacré aux actions environnementales et sociales de l’organisation est « invincible, il ne saute pas quand le business est en tension », poursuit-il.
Engager les salariés
Malcom Ouzeri évoque une autre piste. Celle de l’engagement des équipes. « Tous les collaborateurs n’ont pas vocation à être moteurs. Mais tous ont besoin d’être convaincus de la stratégie RSE de leur entreprise. » Selon lui, une personne engagée se sent plus utile au sein de son organisation. Mais ce n’est pas tout : elle est aussi plus fidèle. Un argument de choix, alors que la crise du recrutement continue d’agiter les sphères RH. Il encourage les entreprises à activer certains leviers, notamment le fait de donner des « jours d’engagement » aux salariés. « Aujourd’hui, 28% des organisations interrogées y songent. C’est 5% de plus que l’an passé, mais il reste une grande marge de progression », conclut-il.