Le média des entreprises qui construisent la société de demain

RSE : les critères toujours plus ambitieux des grands groupes pèsent sur leurs fournisseurs

Un brin d'herbe entouré d'un cercle lumineux
© S. Tscuchiya

Dans leurs appels d’offres, les donneurs d’ordre exigent des performances RSE de plus en plus poussées. Comment les fournisseurs peuvent-ils s'adapter ?

Impossible de passer à côté de la RSE. Il est désormais courant – voire indispensable – qu’aux côtés des résultats financiers, les PME fassent état de leurs performances et leurs engagements environnementaux (empreinte carbone, consommation énergétique…) et sociaux (respect du droit, formation et bien-être du personnel, dialogue social…). « C’est devenu peu à peu une nécessité de survie économique », confirme Didier Chauffaille, patron d’EMAC, une PME de 80 salariés spécialisée dans la plasturgie. Dans son enquête 2020, menée avec BPI France auprès de 600 entreprises, l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (Orse) rapportait ainsi que « plus de 70% des fournisseurs interrogés sont régulièrement sollicités par leurs clients sur les sujets de RSE » et que dans « 79% des situations, les sollicitations des donneurs d’ordre se font au stade de l’appel d’offre ».

Des critères de plus en plus ambitieux

« Les grands groupes et donneurs d’ordre prennent des engagements toujours plus ambitieux, admet Anne Désérable, directrice générale France de Quantis, cabinet international de conseil en développement durable. Les entreprises partenaires ou prestataires qui se trouvent en bout de chaîne s’en trouvent impactées. » Sylvain Guyoton, senior vice president d’EcoVadis, abonde en ce sens. « Il y a une raison à cela, explique-t-il. Les grands groupes sont soumis à une forte pression réglementaire. En France, c’est le devoir de vigilance, mais d’autres lois équivalentes existent ailleurs. Il est impératif pour eux d’identifier les risques sociaux et environnementaux de leurs fournisseurs. » Il rappelle que la valeur ajoutée d’une entreprise provient à 70% de sa chaîne d’approvisionnement.

Il y a des situations où tout se passe bien. D’autres fois, c’est plus compliqué. « Certains de nos clients nous ont obligés à être labellisés, indique Didier Chauffaille. Ce qui ne m’a pas posé de difficultés particulières car je suis impliqué depuis longtemps dans cette démarche, mais ce n’est pas le cas de toutes les entreprises ». Dans ce dernier cas de figure, cela peut entraîner la perte d’un contrat.

Des preuves à vérifier

Chez Quantis, on admet que le phénomène peut pousser certains prestataires à maquiller leurs données environnementales pour répondre aux commandes. Mais cela résulte d’un « manque de connaissance des outils et méthodes qui peuvent être mis à la disposition des entreprises pour analyser leur impact et prendre les mesures adéquates pour respecter les cahiers des charges de leur client, estime Anne Désérable. La majorité des entreprises n’ont pas recours à la pratique », assure-t-elle. Pour Sylvain Guyoton, tout dépend de la façon dont sont organisés les appels d’offres. « Certains grands groupes envoient des questionnaires Excel à leurs clients. On ne peut pas savoir ce qui s’y dit, et il y a probablement un pourcentage non négligeable de répondants qui s’arrangent avec la vérité. C’est aussi pour cela que nous avons créé notre plateforme : mutualiser les évaluations faites par des spécialistes, croiser les sources, avoir un programme d’assurance-qualité permet un degré de fiabilité assez élevé. »

« Tricher serait aberrant, affirme de son côté Didier Fegly, directeur du groupe Sacred (600 salariés) et fondateur du pôle de compétitivité Elastopôle. Nous sommes surveillés de près par des organismes comme la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (Dreal), l’inspection du travail et même le client. » Chez EcoVadis, qui a évalué plus de 150 000 entreprises depuis sa création, on apporte un soin tout particulier au niveau de fiabilité des informations fournies par les sociétés. « Nous demandons bien évidemment des preuves, qui sont revues par nos analystes », garantit Sylvain Guoyton. Parmi les preuves envoyées, 50% sont tout de même rejetées, pour différentes raisons. « Elles peuvent ne pas répondre aux critères de qualité ou d’éligibilité. Et puis, parfois, il y a des doutes quant à leur authenticité. »

Qui doit aider les TPE et PME à se transformer ?

Sylvain Guyoton l’affirme : le niveau de maturité est équivalent chez les TPE, les PME, et les grands groupes. Cependant, au-delà de l’acculturation, se pose la question de l’action. Les PME n’ont pas toujours les moyens matériels ou humains pour mettre en place une politique RSE efficace. Les deux tiers des entreprises interrogées par l’Orse critiquent d’ailleurs l’opacité des critères lors des appels d’offres. Elles sont plus de 87% à déplorer l’absence d’accompagnement de la part de leurs clients dans leurs démarches. « Il existe un décalage entre les attentes des donneurs d’ordres et les moyens financiers et humains des PME et TPE, conclut l’Orse dans son rapport. 60% des entreprises répondantes n’ont pas de personnes dédiées aux questions RSE, et ce, ni à temps partiel, ni même en complément d’autres responsabilités. »

Du côté d’EcoVadis, on estime que si les groupes envisagent leurs fournisseurs comme des partenaires de long terme, il est important de les aider. « Ils ne peuvent pas tout faire à leur place, mais il y a des pistes prometteuses », avance-t-il. Il explique que les fournisseurs sont plus aptes à évoluer rapidement si les demandes émanent de toute une filière, plutôt que d’un donneur d’ordre isolé. « Les filières sont souvent à l’origine d’initiatives sectorielles. Elles peuvent mutualiser les coûts des formations pour leurs fournisseurs communs, par exemple. C’est aussi à ce sujet que nous sommes mandatés : nous évaluons les fournisseurs, nous identifions leurs points faibles, puis nous déployons des programmes de formation adaptés. » À ce titre, les équipes d’EcoVadis ont déployé une plateforme de e-learning, « EcoVadis Academy ». Selon les résultats des évaluations des fournisseurs, ces derniers peuvent suivre un module, pensé avec l’ensemble des donneurs d’ordre abonnés à la plateforme, pour combler leurs difficultés.

Enfin, il rappelle qu’une mise à niveau n’est pas forcément coûteuse. « Ça dépend des secteurs. Dans les services ou l’industrie, par exemple, ça n’a rien à voir. Il ne faut pas non plus oublier qu’il existe de nombreuses aides et subventions pour le renouvellement des équipements, notamment pour assurer une transition énergétique », note-t-il, en référence aux différents plans de relance annoncés par le gouvernement. « Enfin, il ne faut pas voir cela que comme une dépense : ça permet à l’entreprise de monter en gamme, conclut-il. »

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

2
3

vous accompagnent chaque semaine sur Intelekto

le média dédié aux entreprises façonnant l’avenir de notre société

Recevez toutes les semaines
notre newsletter gratuite éditorialisée

* champs obligatoire

Rejoignez la discussion !

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

2.jpg
3.jpeg

vous accompagnent chaque semaine sur Intelekto

le média dédié aux entreprises façonnant l’avenir de notre société

Recevez toutes les semaines notre newsletter gratuite éditorialisée

* champs obligatoire

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

2.jpg
3.jpeg

vous accompagnent chaque semaine sur Intelekto

le média dédié aux entreprises façonnant l’avenir de notre société

Recevez toutes les semaines notre newsletter gratuite éditorialisée

* champs obligatoire