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Décarbonation : il est temps de démythifier le scope 3

Une ampoule verte allumée au milieu d'ampoules grises
© Eoneren via iStock

Depuis le 1er janvier 2023, certaines entreprises doivent mesurer (et réduire) leurs émissions de scope 3, c’est-à-dire situées au niveau de leur chaîne d’approvisionnement. Un sujet qui peut effrayer mais dont il est urgent de s’emparer.

Pour la RSE comme pour le reste, les évolutions réglementaires dictent les discussions. Dans l’air du temps, en ce moment, « le scope 3 » anime les débats. Depuis le 1er janvier 2023, les entreprises cotées et les entreprises non-cotées de plus de 500 personnes et dont le chiffre d’affaires ou le bilan consolidé dépasse les 100 millions d’euros doivent évaluer, publier et tenter de réduire leurs émissions de scope 3. Celui-ci désigne les émissions indirectes, issues de la chaîne d’approvisionnement (et donc des fournisseurs) de celles-ci.

L’enjeu est vaste. Pour les grosses boîtes, cela demande un travail d’accompagnement minutieux et de longue haleine. Sur la scène de Sustain 2023, conférence annuelle du groupe EcoVadis, les experts ont livré leurs conseils.

Pour réduire ses émissions de scope 3, il faut accepter que la donnée parfaite n’existe pas

La première chose à faire pour baisser ses émissions de scope 3, c’est de mesurer l’existant. « La donnée est clé », assène Dexter Galvin, directeur monde, corporations & supply chains au sein du Carbon Disclosure Project. « On ne peut pas aborder le sujet de la réduction des émissions sans parler de la crise climatique. C’est pour cela qu’il faut aligner les objectifs aux données scientifiques. La pression vient souvent des investisseurs, qui sont plus habitués que les entreprises à digérer ces fameuses données », estime l’expert. Alexander Nick, directeur action climatique au sein du World Business Council for Sustainable Development estime que pour avancer, les grands groupes doivent inciter leurs fournisseurs à se joindre à eux. « Cela passe par une démythification du scope 3. Une bonne stratégie commence par une bonne mesure. Dresser un état des lieux est indispensable. Quelles sont les ressources internes chez mes fournisseurs ? Qui sont les plus performants ? Pourquoi ? Comment ? Tout ceci prend du temps, il faut expliquer aux fournisseurs de façon transparente pourquoi il est important de se lancer pour que tout le monde s’y mette. »

Problème : de nombreuses entreprises ne savent pas comment mesurer leurs propres données ESG. Intégrer celles de leurs partenaires et prestataires ajoute encore une couche de complexité au casse-tête. « Il ne faut pas être impressionné par l’imperfection : l’important est de se lancer », tempère Julia Salant, general solution manager carbon chez EcoVadis. En d’autres termes : la donnée parfaite n’existe pas. « Il est toujours possible d’affiner une mesure, abonde Dexter Galvin. Mais on ne peut plus se permettre d’attendre. C’est un sujet d’envergure, qui peut faire peur, mais tout commence par un dialogue avec les fournisseurs. »

Accompagner ses fournisseurs sur la voie du changement

Au sein de Schneider Electric, Christophe Quiquempoix, vice-président achats responsables, pilote le projet zéro carbone, lancé en 2021. « L’ambition du groupe est d’être zéro carbone d’ici 2050. Mais nous nous fixons des étapes et objectifs intermédiaires. D’ici 2025, notre priorité est de réduire de 50% les émissions de nos 1 000 plus gros fournisseurs. » À titre de comparaison, les émissions de scopes 1 et 2 de Schneider Electric sont 20 fois moins importantes que celles de ses fournisseurs. « Il est donc impératif de les intégrer dans notre stratégie. » La première étape a été de réunir tous les dirigeants, côté fournisseurs et côté Schneider Electric, pour expliquer le projet et co-construire une feuille de route commune. « Nous avons découvert que 70% de nos fournisseurs n’y connaissaient rien, ne savaient pas comment mesurer leur empreinte carbone. Sur cette base, nous avons conçu des programmes personnalisés, selon le niveau de maturité de chacun. Ensuite, nous avons demandé à nos fournisseurs d’établir leurs propres objectifs – à leur rythme, sans les brusquer. Il ne faut pas que la demande soit uniquement descendante. » L’entreprise a également mis en ligne une plateforme proposant des contenus éducationnels et déployé un outil de mesure à destination des fournisseurs qui auraient le plus besoin d’aide. Chaque trimestre, les progrès sont mesurés, les bonnes pratiques partagées…

… et tout cela fonctionne plutôt bien. En janvier 2022, seuls 100 fournisseurs déclaraient leur empreinte carbone. Fin 2022, ils étaient 950. « Pour l’instant, nous constatons une baisse de 10% de leurs émissions. Ce n’est pas parfait, le programme peut encore s’améliorer, mais je peux affirmer avec fierté que nos fournisseurs émettent moins aujourd’hui qu’hier. »

Collaborer avec ses concurrents, les ONG et la jeunesse

Pour Dexter Galvin, il faut que les initiatives des entreprises puissent être dupliquées. « Si les fournisseurs doivent multiplier la collecte et la diffusion d’informations, ils peuvent ne pas s’en sortir. J’insiste vraiment sur ce point : il faut communiquer entre membres d’un même secteur pour créer des demandes standardisées. » L’expert craint qu’un manque d’uniformisation ne pèse trop lourd sur les fournisseurs, et que certains perdent pied face aux demandes qui se multiplient.

Une vision partagée par Christophe Quiquempoix, qui espère que les bonnes pratiques de Schneider Electric pourront s’exporter ailleurs. « Nous n’avons pas le temps de nous battre les uns contre les autres. Sur ce sujet, la mutualisation prime sur la compétition. » Il évoque aussi l’envie d’être challengé par les ONG. « Elles nous permettent d’avancer plus vite sur un sujet urgent », estime-t-il.

La médecin et militante environnementale Omnia el Omrani partage ce point de vue. Elle met en parallèle une autre urgence : celle de travailler avec les jeunes générations. « Être jeune ne veut pas dire manquer d’expertise. L’avantage, c’est que la jeune génération se doit d’être optimiste ! Elle propose des solutions créatives, est déterminée, et sait qu’il faut lutter contre la destruction de l’environnement », s’enthousiasme celle qui est également envoyée jeunesse COP 27. Elle espère que, pour réorienter les politiques climatiques dans la bonne direction, les entreprises ouvriront certains financements aux solutions portées par les plus jeunes. « Cela peut passer par des challenges d’innovation, ou des compétitions par exemple », conclut-elle.

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

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