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Souveraineté : quelles sont les priorités des entreprises pour 2024 ?

© VNA/Clandoeil.fr Montage Intelekto via Canva

2023 a rappelé aux entreprises qu'elles doivent réorganiser leurs chaînes d'approvisionnement pour gagner en souveraineté. La tendance ne devrait pas s'inverser cette année.

Les conflits géopolitiques ont placé, en 2023, les chaînes d’approvisionnement sous haute tension. Les entreprises s’adaptent, désormais habituées à un état de crise permanent. Mais 2024 présente son propre lot de défis en matière de souveraineté. Alors que la souveraineté alimentaire embrase l’actualité, d’autres menaces pèsent sur les entreprises françaises, à commencer par leur dépendance numérique. Marc Debets, fondateur du cabinet de conseil By.O Group, spécialisé dans les chaînes d’approvisionnement et à l’origine du Baromètre annuel de la souveraineté des entreprises, livre son analyse.

Le dernier Baromètre de la souveraineté de By.O Group dessine une souveraineté à 2 vitesses pour les entreprises françaises. Comment cela peut-il évoluer en 2024 ?

Marc Debets : Notre projection, c’est que les dépendances seront toujours aussi fortes, dans un contexte de plus en plus complexe. Les risques évoluent mais ne diminuent pas. Il est donc nécessaire que les entreprises aient la maîtrise de leurs filières, pour des raisons de souveraineté mais aussi environnementales. C’est ça, la convergence des luttes !

Certains secteurs sont-ils plus fragiles en termes de souveraineté ?

M. D. : Je pense à l’automobile. Les constructeurs ont mis du temps à sortir de nouveaux produits mais, ça y est, les Européens ont désormais des gammes de véhicules décarbonés. Les entreprises se sont organisées pour devenir souveraines sur certains éléments-clés. Cela a néanmoins fait ressortir leur dépendance aux matières premières importées. Elles en ont conscience et développent des stratégies pour s’adapter. Le choc que l’on prévoit ? L’arrivée de l’offre chinoise sur le segment des véhicules décarbonés. Cela va avoir un impact monstrueux pour le secteur.

L’actualité met aussi en lumière la question de la souveraineté alimentaire de la France…

M. D. : La France est historiquement forte dans l’agro-alimentaire. Et pourtant, nos producteurs dressent des barrages parce qu’ils ne sont pas payés correctement. La France préfère acheter des produits moins chers ailleurs et laisser tomber son agriculture. Alors que l’Hexagone était souverain et exportateur, il va devenir dépendant et importateur. En 20 ans, on a assisté à une perte de souveraineté terrible. On aurait tort de ne pas s’en occuper. D’abord parce que tous les pays africains et du Moyen-Orient se posent la même question que la France. Mais la France, elle, dispose déjà d’une agriculture performante, mécanisée. On sait produire ! Ne laissons pas tomber notre outil de production !

Mais l’agriculture est un secteur où la préférence nationale se heurte aux problèmes de pouvoir d’achat des consommateurs. Il faut donc trouver d’autres sources de rémunération pour les agriculteurs. Par exemple, la possibilité de rémunérer les services environnementaux qu’ils rendent, comme la séquestration de carbone. Cela permettrait aussi de privilégier et de protéger l’agriculture durable. Et de discerner les importations à bonne teneur environnementales et les autres.

Au contraire, certains secteurs peuvent-ils constituer des exemples en matière de souveraineté ?

M. D. : Le secteur du luxe est très interdépendant mais les grands groupes prennent leurs dispositions pour maîtriser leurs filières. Ce n’est pas un problème pour eux.

Quelles seront les priorités des entreprises cette année pour gagner en souveraineté ?

M. D. : 2024 sera l’année du passage à l’échelle en matière de durabilité et de décarbonation. Beaucoup de nos clients ont déjà tenté de le faire sur quelques gammes de produits. Désormais, c’est le moment de généraliser des offres durables, des produits biosourcés, le made in local. C’est le bon moment pour repenser les offres et mettre en place de nouvelles stratégies de sourcing.

Une fois les actions basiques effectuées, elles disposent de 2 leviers fondamentaux : le redesign de leurs produits et services pour basculer vers l’écoconception et des investissements industriels pour optimiser l’efficacité énergétique de leurs process. Certains leviers sont accessibles aux petites entreprises ! Elles sont ainsi plus flexibles et innovantes que les grandes structures, plus performantes pour inventer des gammes de produits plus respectueuses de l’environnement. Le seul écueil ? Dans un temps d’accalmie de croissance voire de récession, combinée à des taux intérêts élevés, il est difficile pour beaucoup d’entreprises de consacrer de l’argent à des investissements industriels.

Devront-elles faire face à de nouvelles menaces pour leur souveraineté ?

M. D. : Ce n’est pas nouveau mais j’insiste sur la souveraineté des systèmes d’information et de la data. Aujourd’hui, les entreprises disent que le sujet est sensible mais elles n’identifient pas de problème de souveraineté. Or, quand on analyse les faits, on voit bien que les économies française et européenne ne sont pas souveraines sur ces sujets-là. Les logiciels d’intelligence artificielle, les fournisseurs de cloud sont majoritairement américains, sinon chinois. C’est comme si une marque réalisait une partie de son chiffre d’affaires dans un magasin dont elle ne connaîtrait ni la localisation ni le propriétaire, dont elle n’aurait pas la clé et auquel le propriétaire pourrait lui interdire l’accès du jour au lendemain.

Comment acculturer les entreprises à la souveraineté numérique ?

M. D. : Je crains qu’il faille un incident industriel. Pour l’instant, les entreprises ont subi quelques cyberattaques. Mais le jour où l’on verra à la Une des journaux l’histoire du patron d’une entreprise qui a perdu 50% de sa valeur boursière parce qu’elle ne maîtrisait pas les systèmes d’information qui alimentaient son business… La prise de conscience s’opérera à ce moment-là.

Biographie

Ingénieur de formation, Marc Debets a commencé sa carrière dans les achats et l’industrie. En 2002, il fonde le cabinet de conseil By.O Group, qui accompagne les entreprises dans le développement d’écosystèmes B2B performants et innovants, avec une attention particulière portée aux questions environnementales. Marc Debets a également créé l’entreprise Apexagri, qui développe des filières agricoles performantes et durables en Afrique. Et s’investit au sein de la Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM).

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

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