Mesurer pour mieux étudier, comparer, comprendre. C’est l’idée derrière les indicateurs, qui permettent de quantifier une certaine donnée. Longtemps, c’est la finance qui a dicté ceux qui faisaient foi au sein des entreprises. Chiffre d’affaires, bénéfices, rentabilité… Les indicateurs-clés de performance (KPIs) se déclinaient en euros sonnants et trébuchants. Sauf que cette vision de la performance est « peu compatible avec d’autres types de performances sociales ou environnementales », rappelait en 2020, sur Maddyness, Mélissa Boudes, maîtresse de conférences en sciences de gestion à l’université du Mans, auparavant à la tête du laboratoire d’idées Iness (Innovations, numérique et économie sociale et solidaire) de l’Institut Mines Télécom.
Mesurer pour progresser
L’évolution des modèles d’affaires comme des raisons d’être des entreprises les poussent à (ré)inventer les indicateurs extra-financiers. « Le coopitalisme impose de trouver de nouveaux KPIs au sein des entreprises, constate David Garbous, fondateur du cabinet Transformation positive. Il faut penser à la création de valeur étendue, sociale et environnementale, qui a autant de poids dans l’évaluation de leur performance. »
C’est important pour comprendre et dessiner avec précision la trajectoire d’une entreprise sur ces sujets. Mais cela sera aussi utile pour répondre à de nouvelles obligations réglementaires. La CSRD, effective au 1er janvier 2024, impose de réinventer le suivi des activités extra-financières des entreprises. Et donc leur quantification. Y compris pour des notions qui ne peuvent traditionnellement pas l’être, comme la nature ou le bien-être. « Il est nécessaire de quantifier la valeur sociale des entreprises pour ne pas perdre le lien avec certains acteurs économiques, comme les investisseurs, précisait encore Mélissa Boudes. C’est une forme de bricolage mais c’est un compromis à faire autour de ces outils. »
De premières initiatives
Plusieurs initiatives ont déjà vu le jour en la matière. Le cabinet spécialisé en finance responsable Axylia a ainsi mis sur pied un « score carbone ». « Il évalue, sur une échelle allant de A à F, la capacité d’une entreprise à s’acquitter de sa facture carbone, précise l’entreprise. Il indique aux investisseurs et aux particuliers si l’entreprise est vraiment rentable et responsable, après imputation du coût du CO2 qu’elle émet. » En bref : si les entreprises devaient payer leurs émissions carbone, seraient-elles toujours aussi rentables ? « Avec ce calcul, on se rend compte que la moitié des entreprises du CAC40 ont une performance globale négative », soupire David Garbous. Preuve que les indicateurs extra-financiers peuvent changer la donne.
En Allemagne, un supermarché a appliqué ce même principe aux prix de produits de grande consommation. Ceci afin que les consommateurs se rendent compte de la « facture carbone » de leurs courses. Bilan : le prix de la viande est multiplié par 2,7 (+ 173%), le lait par 2,2 (+ 122%), alors que les pommes bio ne voient leur prix augmenter que de 4%… Une opération qui peut sembler anecdotique mais qui permet, grâce à un indicateur connu de tous – le prix, d’encourager les consommateurs à réorienter leurs choix. Pour bifurquer, les entreprises doivent donc d’abord innover.