« 75% des milieux terrestres et 40% des écosystèmes marins sont fortement dégradés. » Voilà le constat sans appel posé par le ministère de l’Écologie sur son site. Or, comme il le rappelle, « la biodiversité, c’est la vie ». Y compris des entreprises ! « Toute entreprise dépend de manière directe ou indirecte d’écosystèmes en bon état », assène ainsi Noé Deschanel, en charge du programme Entreprises engagées pour la nature au sein de l’Office français de la Biodiversité (OFB).
Ce qu’elles ont trop souvent tendance à oublier… ou occulter. Le sujet pâtit du manque de lisibilité à l’échelle des entreprises, comme l’a rappelé l’avis rendu en 2020 par la Plateforme RSE et France Stratégie concernant l’empreinte sur la biodiversité des entreprises : « il est extrêmement difficile de faire remonter des indicateurs d’impacts chiffrés et surtout de les agréger, à l’image de la tonne de CO2″. Une bonne excuse pour contourner le sujet dans certaines entreprises ; un frein à l’action dans d’autres.
Intégrer la biodiversité à son engagement écologique
Pour autant, « les entreprises ne doivent pas attendre un éventuel indicateur d’impact unique pour identifier et comprendre plus précisément les pressions qu’elles exercent sur leur écosystème naturel », rappelaient il y a 3 ans déjà la Plateforme RSE et France Stratégie. Beaucoup ont compris le signal. Ou plutôt les signaux. Car ils sont nombreux : « les attentes sociétales des consommateurs et clients évoluent, les investisseurs sont attentifs et la réglementation devient de plus en plus contraignante sur la biodiversité, rappelle Noé Deschanel. Le reporting auquel sont astreintes les grandes entreprises les pousse vers une meilleure prise en compte du sujet. »
C’est d’autant plus vrai que la préservation et la régénération de la biodiversité font partie intégrante de la transition écologique. « Une autre façon de voir la biodiversité, c’est de l’articuler avec les solutions de décarbonation, présente Gaël Thévenot, directrice adjointe Acteurs et Citoyens à l’OFB. Restaurer la biodiversité, c’est participer à son atténuation. Nous prônons des solutions d’adaptation au changement climatique fondées sur la nature, qui participent aussi à atténuer les effets du changement climatique. »
Restaurer la biodiversité action après action
C’est pourquoi l’OFB incite les entreprises à s’engager concrètement pour la biodiversité. « Notre objectif est de les aider à faire mieux que ce qu’elles ne font, dans une démarche d’amélioration continue », souligne Gaël Thévenot. Elles doivent d’abord déposer un plan d’action auprès de l’OFB. « Le plan n’est recevable que s’il comporte au moins 1 action en lien avec le cœur d’activité de l’entreprise et 1 action complémentaire qui peut être du mécénat ou de la sensibilisation, par exemple », explique Noé Deschanel. Elles ont alors 2 années pour mettre en œuvre le plan déposé avant d’être évaluées sur les progrès effectués. Et de pouvoir déposer, si elles le souhaitent, un nouveau plan plus ambitieux.
Cette méthode itérative permet de toucher toutes les entreprises, y compris les moins matures sur le sujet. « Les entreprises débutantes en la matière ont souvent dans l’idée que leur impact sur la biodiversité est lié à ce qu’elles font sur leur site, remarque Noé Deschanel. Dans la majorité des cas, ce n’est pourtant pas là que les impacts principaux ont lieu. Au cours de nos échanges, nous essayons d’orienter leur travail vers leur chaîne de valeur, en amont comme en aval. » À elles ensuite de faire le choix de fournisseurs aux pratiques plus durables ou de matières avec un impact réduit sur la biodiversité. « Elles peuvent aussi former leurs partenaires, comme les acteurs de l’agroalimentaire qui doivent prendre leur part dans l’implication des agriculteurs dans la transition écologique. »
Valoriser l’engagement pour la biodiversité
Reste enfin à maintenir le cap. Car prendre en compte la biodiversité représente un coût non négligeable pour les entreprises. « Il faut valoriser leur démarche autrement pour qu’elles y trouvent une contrepartie », reconnaît Noé Deschanel. La notation du plan d’action déposé auprès de l’OFB se fait ainsi selon un système d’étoiles, qui rappelle les codes de la gastronomie ou de l’hôtellerie. De 1 à 3 étoiles, les entreprises voient leur engagement distingué. « Nous valorisons l’exemplarité mais aussi les progrès des entreprises qui s’engagent par rapport à celles qui ne le font pas. »