Depuis quelques années, de nombreuses entreprises cherchent à réduire leur empreinte carbone pour viser la fameuse neutralité. Pour répondre aux attentes des consommateurs et s’adapter aux nouvelles législations, les sociétés doivent aujourd’hui aller plus loin et lutter contre la perte de la biodiversité.
Extinction de masse
Avec 1 million d’espèces en danger selon la Plateforme Intergouvernementale scientifique et politique sur la Biodiversité et les Services Écosystémiques (IPBES), la biodiversité connaît une extinction de masse. « Dans le monde, 75% des milieux terrestres et 40% des milieux marins sont dégradés », détaille Florence Clap, la responsable des politiques de la biodiversité à l’Union internationale pour la conservation de la nature en France (UICN). « En France, plus de 17% des espaces sont menacés. » L’artificialisation des sols progresse d’environ 8,5% par an : c’est comme si un département français moyen disparaissait tous les 10 ans, selon la Banque des territoires. « La consommation d’espace a représenté 27 000 hectares par an entre 2006 et 2016, soit l’équivalent de 4 à 5 terrains de football par heure », précise le plan gouvernemental pour la biodiversité publié en 2018. « Il ne fait plus aucun doute que nous sommes entrés dans la sixième grande crise d’extinction de notre planète, alerte Antoine Cadi, le directeur de la recherche et de l’innovation chez CDC Biodiversité. Mais la vitesse de disparition des espèces est aujourd’hui 100 à 1 000 fois plus rapide que celle enregistrée lors des crises précédentes. »
Les entreprises pointées du doigt
L’impact des entreprises sur la nature n’est plus à prouver. En amont de leur consommation de matières premières, l’extraction même de ces ressources a des répercussions – parfois dramatiques – sur les écosystèmes. Ne rien faire n’est pas une option. « 50% de l’économie mondiale repose sur les services gratuits fournis par la nature comme les cours d’eau ou la pollinisation des fleurs, rappelle Antoine Cadi. Les entreprises ont pris l’habitude de ne pas compter dans leurs dépenses toutes les ressources puisées dans l’environnement. Mais une dégradation durable de la biodiversité ébranlera le modèle économique mondial. »
Avant de prendre des mesures pour « verdir » son activité, une entreprise doit « mesurer ses dépendances et ses impacts sur la biodiversité, explique Florence Clap. Des cabinets de conseil et des bureaux d’études ont développé des outils en ce sens. Les TPE-PME peuvent aussi s’appuyer sur des associations locales pour avoir une idée des conséquences de leur activité. »
Un cadre plus strict mais qui ne suffit pas
Les entreprises commencent à comprendre que l’union fait la force. À l’initiative de Jean-Laurent Bonnafé, le directeur général de BNP Paribas, plus de 90 dirigeants de groupes français et étrangers ont rejoint l’association Entreprises pour l’Environnement (EPE) afin de « mettre l’environnement au cœur de la reprise économique ». Bel, Carrefour, GRDF, le Groupe Rocher ou encore Michelin ont, de leur côté, lancé avec le WWF et des chercheurs la plateforme d’action Lab Capital Naturel, pour cartographier les chaînes de valeur, développer des indicateurs de performance pour déterminer l’impact des entreprises sur la biodiversité et agir en fonction.
Cette mobilisation n’est pas anodine, ni dénuée d’arrière-pensées. Pour contraindre les entreprises à mieux protéger la biodiversité, le législateur est en effet de plus en plus strict. La responsable des politiques de la biodiversité à l’UICN France s’en réjouit. « Il est très clairement nécessaire de mettre en place des législations contraignantes mais l’application des lois ne sera pas suffisante pour inverser la tendance actuelle, insiste-t-elle. Il faut également encourager les entreprises à mettre en place des dispositifs volontaires. »
Pourrait-on envisager un système similaire à celui de la compensation carbone ? Peut-être, mais Florence Clap alerte : pas question de reproduire les mêmes erreurs. « Il faudrait compenser son impact au niveau local et non pas à l’autre bout de la planète comme c’est aujourd’hui trop souvent le cas. » Elle regrette aussi des mesures peu ambitieuses. « Le rapport d’un arbre replanté pour un arbre détruit ne fonctionne pas. Il faut plutôt passer à un rapport de 1 à 10. »