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David Garbous (Transformation Positive) : « Les entreprises doivent prendre conscience que la rentabilité financière est conditionnée aux critères RSE »

David Garbous
© David Garbous

Vous pensez que la RSE se résume encore à un joli storytelling ? Faux ! De plus en plus, la responsabilité pèse sur les directions financières des entreprises. Prochaine étape : que le sujet infuse à toutes les strates.

Rentabilité vs RSE : un faux débat ? C’est ce qu’affirme l’expert en la matière David Garbous. Celui qui a réussi à faire bouger les choses au sein de plusieurs grands groupes (Lesieur, Fleury Michon) s’empare de la RSE comme il se doit : en n’en faisant plus un sujet cantonné à la communication. 

Celui qui accompagne désormais les entreprises de toute taille dans leur transformation en est convaincu : désormais, la pression pèse – aussi – sur les directions financières. Et les organisations ont tout intérêt à saisir l’enjeu du phénomène pour survivre. 

Prochaine étape ? Que la RSE ne soit plus un sujet, et infuse dans tous les départements. 

Interview. 

La RSE vue de 2022, ça a donné quoi ?

David Garbous : La pandémie a cristallisé une prise de conscience, qui n’a fait que s’amplifier depuis. Il faut dire que cette année ne nous a pas épargnés : dans tous les secteurs, dans toutes les entreprises, il y a un sentiment d’urgence. On passe de la déclaration à l’action. Après l’été que nous avons traversé – inondations, canicules, incendies… – et le dépit face à l’incapacité des gouvernements à prendre en main le sujet, les entreprises s’en chargent. De façon inégale et imparfaite, certes, mais il faut le souligner. C’est aussi parce que la pression vient d’endroits nouveaux. Autrefois, les ONG étaient les seules à interpeller les entreprises sur leurs engagements. Plus récemment, on a vu les clients et les consommateurs demander des comptes. Et, depuis quelques mois, ce qui me frappe réellement, c’est la pression des financiers. Ils mettent de nouvelles conditionnalités à l’accès au crédit, on commence à voir des prêts bonifiés liés aux initiatives RSE… Le niveau d’engagement va vraiment donner le ton en matière de trajectoire.

Dans quelle mesure cela va-t-il bousculer les entreprises ?

D. G. : Le prétexte qui veut qu’on néglige la RSE pour se concentrer sur la rentabilité financière devient caduc ! De plus en plus, la rentabilité financière est conditionnée au respect de certains critères RSE. Et il ne s’agit plus de déclaratif, mais de faits concrets. On parle de mesurer des tonnes de CO2, plus de joli storytelling. Et cette pression financière s’étend aux donneurs d’ordre de manière générale. Quand, dans son plan 2026, Carrefour explique attendre de ses 100 premiers fournisseurs une trajectoire à 1,5°C « faute de quoi ils seront déréférencés », ça touche directement le business des concernés !

Et le rôle des États, dans tout cela ?

D. G. : Dans le monde néolibéral dans lequel nous sommes, il y a une petite rengaine qui dit qu’il faut laisser les entreprises faire à leur rythme. Elles seraient responsables, volontaires… et pour certaines, c’est vrai. Pour d’autres, on est plutôt dans la préservation du statu quo. Force est de constater que quand la loi bouge, les choses accélèrent. Cela m’avait particulièrement frappé au moment des débats sur le Nutri-Score. Toutes les entreprises de l’agroalimentaire promettaient qu’elles faisaient évoluer leurs recettes, qu’il n’y avait aucun besoin d’afficher un score sur l’emballage. Or, quand le Nutri-Score est sorti, nous avons assisté à une reformulation vertueuse de nombreuses recettes ! En ce sens, je dirais que nous ne pouvons pas compter sur la seule bonne volonté des entreprises : il faut une convergence des stratégies, et une implication de l’État pour suivre les recommandations du Giec.

Être une entreprise « volontaire », c’est une question de taille ? De secteur ? De modèle ?

D. G. : C’est surtout une question d’individus qui veulent changer les choses. Mais il est vrai que la gouvernance a son importance. Les entreprises familiales, dont la vocation est de transmettre un patrimoine à la génération suivante, sont plus à même de se positionner en faveur du changement. Elles réintègrent le long terme dans les décisions du court-terme. Il y a aussi des différences notables entre les petites boîtes qui intègrent la RSE directement dans leur stratégie, et les grands groupes internationaux au sein desquels chaque business unit est objectivée sur l’Ebitda. Tout est trop décentralisé pour que les choses évoluent.

Quel sera le point d’alerte pour les dirigeants en matière de RSE en 2023 ?

D. G. : La période est difficile, l’inflation engendre des incertitudes. Mais il ne faut surtout pas se recroqueviller et élaborer des plans « back to basics » pour sécuriser son résultat. C’est une stratégie qui peut fonctionner à court terme, mais qui risque d’envenimer la situation si l’on réutilise les techniques ou pratiques qui nous ont menés là où nous en sommes aujourd’hui. Je leur conseille aussi de bousculer un peu les organisations interprofessionnelles et syndicats sur le sujet. Ils sont parfois le maillon faible du dispositif : à vouloir contenter les plus progressistes et les plus conservateurs de leurs adhérents, ils adoptent une posture molle. Or, sans faire peur, nous avons besoin d’une forme de radicalité pour entraîner le plus de monde possible dans une démarche vertueuse. Cela doit passer par plus de pédagogie, et une meilleure information sur les gains réels permis par une bonne politique RSE.

Quand pourra-t-on dire qu’en matière de RSE, c’est gagné ?

D. G. : Comme beaucoup de choses : quand ce ne sera plus un sujet. Cela passera forcément par 3 étapes pour les entreprises. La première consiste à évaluer les besoins, mais aussi l’existant. C’est le moment où la RSE est rattachée à une direction très « fonctionnelle », comme le service qualité ou R&D, par exemple. La seconde permet de transformer cette matière en valeur ajoutée – soit financière, soit réputationnelle. La RSE est alors rattachée au département financier ou communication. Enfin, la troisième étape est celle où l’entreprise a intégré la RSE dans sa raison d’être. Elle infuse partout ! Pour savoir si « c’est bientôt gagné » pour votre entreprise, demandez-vous à quelle étape vous en êtes.

Biographie

Après 20 ans au sein de Danone, Lesieur et Fleury Michon où il a accompagné les transformations par l’offre, l’innovation et la communication, David Garbous a créé Transformation Positive & UNIC Conseil pour aider les entreprises face aux changements de consommation.

Ardent défenseur d’un marketing et d’une communication responsables, il puise dans les méthodes concrètes d’un marketing réussi grâce à l’intégration de la RSE dans l’offre de la marque. Il aime s’appuyer sur les pépites qui existent dans chaque organisation et développer une offre positive, innovante et impactante afin de garantir à la fois la pérennité des organisations et de notre planète. Il enseigne également le marketing durable à l’ISC Paris et à SciencesPo et pilote, pour Hectar, les formations à la certification BCorp qui permettent aux entrepreneurs d’évaluer leurs impacts et leurs engagements auprès de toutes les parties prenantes.

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

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