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R&D : il est temps de penser l’innovation au prisme du bien commun

Une femme métisse dans un champ vert portant une blouse blanche et manipulant une tablette électronique
© Charday Penn via iStock

Longtemps, on a pensé que la R&D devait servir le progrès technologique, l’hypercroissance et les profits. Et si l’on changeait de paradigme pour la mettre au service du bien commun et de l’utile ?

Niveau acronymes, la RSE et la R&D pourraient faire bon ménage. Véritables moteurs en matière d’innovation, les dispositifs de recherche et développement sont souvent considérés pour leurs avantages en matière de souveraineté ou de compétitivité. Certaines personnes militent pour adopter un autre angle de vue. Et si la R&D servait le bien commun plutôt que des innovations performantes mais peu durables ?

La R&D pour sortir d’une « RSE punitive »

À l’heure où de nombreuses organisations considèrent encore la RSE comme quelque chose de punitif ou de contraignant, le gouvernement met les bouchées doubles pour changer la donne. Au programme : des incitations en matière de financement, ainsi que l’adaptation de taxes environnementales ou le soutien à l’investissement dans les énergies renouvelables, par exemple. BPI France, l’Ademe, les collectivités territoriales ou l’Union européenne ne sont pas en reste : les aides publiques à l’innovation sont nombreuses. La Cour des Comptes révélait ainsi en 2021 que les moyens financiers de soutien à l’innovation avaient progressé de façon continue entre 2010 et 2021, passant de 3 à 10 milliards d’euros. Les secteurs de l’environnement et de l’énergie sont évidemment concernés. Le Mesri (ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation) dédie même une page entière sur son site au financement de la durabilité.

Ça, c’est la théorie. Elle tend à montrer qu’il est possible de sortir des démarches réglementaires et « punitives » pour aller vers quelque chose de plus incitatif en matière de durabilité. Dans la pratique, les acteurs privés ont du mal à voir les choses sous cet angle. En 2018, le Mesri constatait que les dépenses R&D consacrées directement ou indirectement à l’environnement ne représentaient que 11% de la dépense intérieure.

Il faut encore sensibiliser les dirigeants aux possibilités de R&D dans la RSE

Pour Alain Risbourg, fondateur du cabinet de conseil en RSE et de transition écologique Covivance, cela relève d’un manque de sensibilisation et de convictions des dirigeants. « De nombreuses entreprises sont conscientes que la France est généreuse en matière de recherche. La faible proportion de R&D dédiée à l’environnement est cohérente avec la non-prise de conscience des enjeux environnementaux des leaders », estime-t-il. Pour celui qui a passé 25 ans dans l’univers de l’informatique et du logiciel avant une reconversion liée à de fortes convictions, les dirigeants font face à un dilemme. « D’un côté, les actionnaires leur demandent de répondre de leurs résultats trimestriels. De l’autre, la stratégie d’investissement RSE doit s’inscrire dans une logique de long terme. » Il érige les entreprises familiales en modèles. « Leur ambition est de transmettre l’entreprise aux générations futures. Il leur apparaît nécessaire de décarboner leur activité, d’investir dans des solutions utiles pour un futur fiable. »

Des considérations assez peu partagées au sein des entreprises polluantes – notamment les industriels, qui continuent de percevoir la RSE et ses réglementations au prisme de la contrainte. « La R&D doit-elle permettre de mettre sur le marché des produits toujours plus polluants pour faire rayonner l’industrie d’un pays ? », interroge le dirigeant.

La R&D au service de la RSE peut être un levier de compétitivité

L’ambition d’Alain Risbourg et des autres défenseurs d’une R&D au service de la RSE est de faire rimer utilité et compétitivité. L’une des approches les plus plébiscitées pour y parvenir est l’écoconception. Celle-ci doit permettre de trouver le meilleur rapport entre les coûts de production d’un nouveau produit, ses caractéristiques, et ses impacts. Sont ainsi pris en compte les aspects environnementaux de celui-ci, depuis l’extraction des ressources nécessaires à sa fabrication, jusqu’à sa fin de vie. Il existe 4 niveaux d’écoconception d’un produit ou d’un service. Le premier niveau consiste à améliorer les produits déjà conçus, en utilisant par exemple des matériaux différents et moins polluants. Le deuxième niveau vise à « reconcevoir » un produit. C’est-à-dire que l’entreprise identifie un besoin et conçoit un produit avec une nouvelle architecture. Le troisième niveau demande d’innover au niveau des fonctions. L’entreprise part d’un besoin déjà connu et conçoit un nouveau produit avec une innovation technologique ou de nouvelles fonctions, moins impactantes sur le plan environnemental. Enfin, le dernier niveau demande d’innover totalement au niveau du système. C’est-à-dire que le besoin même est redéfini. L’entreprise développe un produit ou un service à partir de nouveaux usages, en s’appuyant sur l’économie durable plutôt que traditionnelle.

Certes, cela demande souvent une part d’investissements (en termes de recherche, de compétences, de développement…) mais sur le long terme, c’est bénéfique assure Alain Risbourg. « À condition d’être sincère et authentique », précise-t-il. Mettre sur le marché des produits plus vertueux est intéressant en termes de développement commercial. « Même en étant radical, cela peut être générateur de business, constate-t-il. La croissance doit être liée à l’impact, et les entreprises engagées ont tout intérêt à porter ce discours pour gagner des parts de marché au détriment d’acteurs moins responsables », conclut-il.

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