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R&D : la France est-elle en train de perdre la bataille de la souveraineté ?

© Devrimb via iStock

En matière d'accès aux technologies et aux compétences nécessaires à la recherche et développement, les entreprises françaises se heurtent à la pénurie de ressources souveraines. Ce qui pénalise leur croissance.

C’est un combat de longue haleine que mènent de front pouvoirs publics et entreprises, et ce depuis plusieurs années. Celui de l’accès à des ressources de recherche et développement et, plus spécifiquement, de leur souveraineté. Disposer sur le territoire européen et même français de technologies et de savoirs de pointe revêt un enjeu particulier après 4 années de crise, marquées par la pandémie de Covid puis la guerre en Ukraine. Ces 2 événements successifs ont opéré comme détonateurs dans la prise de conscience des entreprises de leur dépendance à l’étranger en matière d’innovation. « On constate une nette prise de conscience voire inquiétude des PME de 50 à 250 salariés. En 1 an, la part de PME qui évoquent la R&D comme sujet de souveraineté est passée de 4% à 37% », note Marc Debets, PDG de By.O Group.

Le cabinet de conseil publie depuis 2 ans son Baromètre de la souveraineté des entreprises. Et le constat de la dernière édition est sans appel : en 2022, les entreprises ont subi une perte de souveraineté majeure en matière d’accès aux ressources de R&D. Alors qu’elles étaient 95% à se juger souveraines sur le sujet en 2021, elles ne sont plus que 75% en 2022. « En 2022, les entreprises ont repris leurs investissements et se sont rendu compte que, quand on veut innover, on a besoin de technologies qui ne sont pas toutes disponibles sur le territoire français, explique Marc Debets. La R&D a gagné en criticité et les entreprises ont identifié une dépendance par rapport à l’étranger. »

Attirer les innovations de pointe… mais pas seulement

Cette dépendance se révèle de manière crue dans certains secteurs, la France comme l’Europe ne pouvant pas abriter toutes les technologies mondiales. « Les réseaux de R&D sont aujourd’hui mondiaux, observe Marc Debets. C’est ce qui fait que même avec de bonnes écoles d’ingénieurs et une recherche académique de qualité en France, des entreprises françaises implantent des centres de R&D dans différents pays, pour être certaines de disposer des meilleures technologies où qu’elles soient. » Les entreprises tricolores comme étrangères font montre de pragmatisme, poussées par la compétition internationale. « Une entreprise qui ne fait pas l’effort de chercher les meilleures technologies là où elles sont fait une erreur stratégique », juge ainsi le PDG de By.O Group.

Le combat pour davantage de souveraineté se double donc d’une bataille d’attractivité. Attirer – et retenir – sur le sol européen et français les meilleurs chercheurs, les meilleurs centres de recherche et donc les meilleures innovations. Mais aussi les meilleures industries manufacturières. Fin novembre 2022, lors d’une conférence dédiée aux relocalisations, Carine Guillaud, fondatrice du think tank Relocalisation.fr, s’agaçait : « il faut arrêter d’opposer les entreprises d’avenir et les entreprises productives. Si l’on finance une start-up de coloration naturelle de textiles mais qu’on n’a pas d’industrie textile pour appliquer les nouveaux procédés, l’entreprise partira en Italie ou aux États-Unis pour procéder aux tests ».

« Il faut redonner aux industriels le goût d’entreprendre et d’innover »

Carine Guillaud, fondatrice de Relocalisation.fr

Pas question donc de privilégier à outrance des industries à forte valeur ajoutée en se désengageant totalement de secteurs réputés imprenables aux Asiatiques. Les uns et les autres sont le plus souvent inextricablement liés. « Prenez l’aéronautique, illustre Marc Debets. Les Européens savent concevoir des avions, ils ont les meilleurs bureaux d’étude pour cela. Mais on constate une intensification technologique des produits et services électroniques utilisés dans l’aviation et, ces technologies-là, pour la plupart, on ne les maîtrise pas. »

Une mobilisation politique

Symbole de l’importance du sujet, il est désormais aux mains du pouvoir politique. Dans son rapport d’information sur les pistes pour reconstruire la souveraineté économique, une mission parlementaire souligne les vastes enjeux que revêt une R&D souveraine : « la préservation de cette capacité propre d’innovation est un facteur direct de compétitivité pour l’ensemble de notre économie : la capacité à décarboner vite, à produire mieux, sera clef au cours des années à venir ». La mission défend notamment le rôle de l’innovation dans « la montée en gamme et dans l’image de marque des productions françaises », facteurs essentiels de la « compétitivité hors coût » de la France. Alors que le crédit d’impôt recherche (CIR) subit régulièrement les critiques de ses détracteurs, qui le jugent mal calibré et trop coûteux, le rapport défend au contraire « un atout majeur de la France ».

« Il est impératif de maintenir et de pérenniser le crédit d’impôt recherche, qui a déjà subi plusieurs rabots au cours des années précédentes »

Rapport d’information parlementaire pour reconstruire la souveraineté économique

Un dispositif crucial pour l’attractivité de la France mais loin d’être suffisant, comme l’explique la Fabrique de l’Industrie. « Le crédit d’impôt recherche soutient la R&D privée mais ne récompense les coopérations public-privé que de façon marginale. Les efforts de l’État, incontestables, ont donc pour le moment d’autres objectifs que d’encourager la collaboration public-privé, qui n’émerge pas non plus spontanément », regrette le think tank dans une tribune. Une difficulté également soulignée par la mission parlementaire. Ses rapporteurs « regrettent la difficulté des pouvoirs publics à mobiliser le levier de la commande publique pour encourager l’investissement et l’innovation dans des produits à la maîtrise technologique française ou européenne ». « Pour nombre de nos concurrents internationaux, il s’agit pourtant d’une arme majeure de compétitivité et de soutien – par le biais de la massification de la demande et de l’orientation de la R&D. »

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

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