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Pauline Mendiela (Finegan) : « Les entreprises se sont laissé dépasser par l’impact environnemental du cloud »

Pauline Mendiela
© Finegan

Les émissions de CO2 liées aux infrastructures cloud explosent. Et il est difficile de faire marche arrière, témoigne Pauline Mendiela, DPO du groupe Finegan.

Les nouveaux défis du cloud ne se cantonnent pas à la cybersécurité ou à la souveraineté. Ils s’aventurent sur un terrain parfois insoupçonné : celui de la durabilité. C’est ce qu’explique Pauline Mendiela, DPO du groupe Finegan. Le problème : la surcharge de données, qui ne sont pas toujours bien traitées, et les infrastructures, pas toujours faciles à remplacer, chargent le bilan énergétique de la technologie. Interview.

Quels sont les liens entre RSE et transformation numérique des entreprises ?

Pauline Mendiela : On en parle depuis plusieurs années, mais la transformation numérique des entreprises s’est vraiment accélérée depuis la crise du Covid. Les organisations sont passées au télétravail et ont repensé leurs infrastructures IT. Tout cela s’accompagne d’un nouvel usage des données. Qui dit données, dit stockage… et malheureusement, en trop grande quantité. Nous en consommons, en traitons et en stockons toujours plus. Sans compter la redondance, c’est-à-dire qu’une même donnée se retrouve enregistrée plusieurs fois à différents endroits. Tout cela demande une énorme capacité énergétique.

Le cloud est-il particulièrement coupable en la matière ?

P. M. : Depuis 3 ou 4 ans, les entreprises privilégient les infrastructures cloud. Elles sont plus faciles à gérer, permettent plus de capacité de stockage et de traitement, de flexibilité et de rapidité. Sans compter qu’elles sont intéressantes en termes de coût : en général, on paye ce que l’on consomme. Le résultat, c’est que le cloud explose… et que son impact écologique aussi. Il représente à lui seul 0,5% des émissions mondiales de CO2. Et si l’on en croit la courbe de croissance du cloud, ses émissions devraient atteindre 2% des émissions mondiales d’ici 2030.

On a presque l’impression que les entreprises se sont laissé dépasser par le cloud et ses impacts…

P. M. : Les pionniers du cloud ne pensaient pas qu’il y aurait un tel engouement autour de cette technologie. Personne ne pouvait imaginer la quantité de données qui seraient stockées et analysées ! Les infrastructures n’ont pas été pensées pour un retour en arrière, ou un suivi de l’impact écologique. Aujourd’hui, il est extrêmement compliqué d’identifier quelles sont les machines qui servent vraiment parmi toutes celles qui tournent dans les data centers, celles que l’on pourrait reconditionner, celles qui ne fonctionnent plus. Plutôt que de « rétropédaler », il est parfois moins coûteux de construire un nouveau data center. La ruée vers le cloud s’est opérée sans filet de sécurité.

Les entreprises ont-elles conscience du problème ?

P. M. : Les grandes entreprises ont des obligations en termes de reporting extra-financier. Elles prennent donc des engagements pour réduire leur empreinte carbone. Mais les premiers chantiers concernent toujours le traitement des déchets, les économies d’énergie… Moins souvent l’utilisation du cloud. Cela dit, de plus en plus, les stratégies RSE et IT s’alignent. C’est aussi sous la pression des Gafam, qui ont des obligations assez fortes en matière de RSE et sont de gros fournisseurs de solutions cloud. Mais l’équation n’est pas évidente : d’un côté, les entreprises essayent de réduire l’impact de leur cloud, de l’autre, elles ont besoin du numérique pour gagner en compétitivité et en satisfaction client. Et pour la compliquer encore un peu, certains veulent faire du cloud un levier de la transition énergétique ! C’est l’idée que le problème peut faire partie de la solution, et que le numérique peut aider à améliorer son empreinte.

Comment le cloud peut-il avoir un aspect positif sur la transition écologique ?

P. M. : Il persiste une forme de flou autour des outils et des méthodes. Cela peut concerner la création de nouvelles fonctions. Les « FinOps » (contraction de « Finance » et « Opérations », ndlr), par exemple, ont pour objectif d’optimiser l’ensemble des usages du numérique, notamment ceux du cloud. Leur mission est de quantifier les coûts pour chaque service utilisé, ainsi que les ressources déployées. Dans la même veine, les « GreenOps », qui doivent optimiser l’impact écologique des entreprises, s’intéressent au numérique. Par ailleurs, les nouvelles générations de cloud et de machines sont plus performantes. Les data centers sont construits selon de nouvelles logiques. On récupère l’énergie pour chauffer des bâtiments, par exemple.

Cela demande de faire dialoguer des métiers qui, a priori, n’ont rien à voir. Comment cela se passe-t-il ?

P. M . : Les métiers se réinventent. D’un côté la RSE, ce n’est plus que de la com’. De l’autre, les DSI doivent avoir une place dans la conception de la stratégie RSE. Ils sont à la source des nouveaux usages. C’est ce qui explique le succès des approches dites « by design » : on embarque dès le début des projets les personnes concernées. Les DPO, les RSSI… Ils doivent être présents pour voir si les normes sont respectées, de l’écoconception aux achats des parcs informatiques.

Lorsque l’on parle de transformation numérique et de RSE, les liens se tissent au-delà de l’écologie…

P. M. : Tout à fait. L’aspect humain et sociétal est primordial. La transformation numérique entraîne des restructurations. Les DSI ou les responsables sécurité jouent un rôle de plus en plus important. Ils doivent accompagner les nouveaux arrivants tout comme les travailleurs en fin de carrière dans l’utilisation des outils déployés. Il y a une question de génération qu’il ne faut pas nier. Une personne en fin de carrière se sentira peut-être moins concernée : il ne faut surtout pas la laisser de côté.

Biographie
Pauline Mendiela est diplômée d’un Master II en Finance et Management des risques à l’ESSCA (École Supérieure des Sciences Commerciales d’Angers). Elle rejoint, en 2018 une structure de conseil en tant que Consultante en Risques, Cybersécurité & Résilience puis rejoint le groupe Finegan en 2020 où elle évolue au poste de Consultante Senior sur ces mêmes sujets. Forte de sa maîtrise des enjeux cyber, de protection des données et de gestion des risques, elle occupe depuis 2022 le poste de DPO au sein du groupe Finegan en complément de ses missions.

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

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