Les défenseurs de l’intelligence artificielle ne cessent de le répéter : elle va nous sauver des tâches répétitives, automatisables et à faible valeur ajoutée. À tel point qu’une tendance émerge chez les plus jeunes : le « désapprentissage ». CoachHub, leader européen du coaching digital, l’a même identifié comme étant l’une des tendances RH de l’année. Le terme peut inquiéter. Mais Boris Allanic, VP France de CoachHub, tient à rassurer les entreprises qui y sont confrontées.
Le désapprentissage, c’est quoi ?
Plus habituée à l’IA que les précédentes, la génération Z délaisse délibérément certaines connaissances, attitudes ou convictions qui semblaient bien ancrées. « Les plus jeunes ont l’habitude de tout remettre en cause. Le désapprentissage, c’est une réponse à l’adage qui veut que l’on fasse ‘comme d’habitude’ ou qu’on ne change pas une équipe qui gagne, explique Boris Allanic. Face à la complexité grandissante du monde, il faut faire preuve de créativité pour résoudre des problèmes inédits. »
Certaines compétences valorisées hier encore sont désormais obsolètes. « Je pense au contrôle qualité, par exemple. C’est toujours utile mais les machines peuvent s’en charger. Elles sont plus fiables et moins coûteuses, illustre-t-il. A contrario, les pensées analytiques et créatives gagnent en importance. »
L’accélération de la technologie accélère le clash des générations
Le savoir et l’expérience ne font plus foi : il faut s’emparer de l’agilité maintes fois promise par les entreprises. « C’est un gros effort de déconstruction, d’acceptation », reconnaît l’expert, qui note toutefois qu’un « clash des cultures » a toujours eu lieu concernant les nouveaux usages. « Tout le monde a entendu à un moment donné ou à un autre de sa carrière que ‘c’était mieux avant’. » Ce qui change, c’est l’accélération technologique boostée par l’IA, qui creuse un peu plus le fossé. « Il y a une rupture sur la nature des compétences mais aussi sur la manière dont elles sont perçues. Le savoir devient volatil. Les jeunes sont des zappeurs : ils acquièrent une compétence sans y attacher trop d’importance car ils ont conscience qu’elle deviendra obsolète rapidement. » Finalement, ce qui compte ce n’est pas la compétence en tant que telle mais l’endroit où l’on peut y accéder. « C’est très délicat pour les générations précédentes, qui ont été éduquées dans un monde où le savoir était le pouvoir », constate encore Boris Allanic.
Comprendre les avantages du désapprentissage
Il ne faut pas perdre de vue que ne plus s’embarrasser de vieilles techniques, c’est l’opportunité d’en apprendre de nouvelles, insiste Boris Allanic. Comme d’autres, il vante l’intérêt qu’il y a à automatiser les sujets à faible valeur ajoutée. « Nous allons redécouvrir les individus dans ce qu’ils ont d’unique, de créatif. Cela va créer une véritable richesse dans les rangs des entreprises », prédit-il. Car là encore, ce n’est plus à prouver : plus une entreprise est riche en termes de diversité, plus elle est performante.
Comment les entreprises doivent-elles accompagner le phénomène ?
Qu’elles le veuillent ou non, les entreprises vont être confrontées au phénomène. « Elles peuvent choisir de l’ignorer, mais certaines personnes auront alors une démarche individualisée et sortiront des schémas d’apprentissage par eux-mêmes », alerte Boris Allanic.
Il précise toutefois que ce n’est pas un manque de respect de la hiérarchie, simplement une autre manière de penser l’apprentissage. « Les organisations peuvent ressentir une forme de choc ou de déni face au phénomène. L’important est de repartir de plus belle, de s’intéresser au désapprentissage pour comprendre ce qu’il permet d’expérimenter, les étapes qu’il permet de franchir et la façon dont il peut faire évoluer les équipes. » Pour cela, il conseille aux entreprises de créer des espaces de discussion afin de proposer les outils pour « bien désapprendre » – via la formation, le mentoring ou le coaching. « Paradoxalement, le désapprentissage se base sur une culture apprenante. Je désapprends pour apprendre beaucoup d’autres choses, et vite », conclut-il.