Non, l’intelligence artificielle ne va pas remplacer les travailleurs. En tout cas, pas tous. Mais nous dirigeons-nous vers un monde où les seuls travailleurs seraient… des hommes ? Les emplois occupés par des femmes sont en effet davantage menacés par l’intelligence artificielle. Selon un rapport publié par le cabinet McKinsey à l’été 2023 sur le futur du travail aux États-Unis à l’ère de l’IA, « les femmes auraient 1,5 fois plus besoin de trouver un nouveau poste que les hommes ». Et pour cause : les métiers les plus féminisés, comme les fonctions support dans les entreprises ou les administrations (RH, comptabilité) ou le support client, sont aussi ceux qui pourraient être les plus affectés par l’IA.
Peu de résultats concrets (pour l’instant)
Alors, demander à l’intelligence artificielle de réduire les inégalités femmes-hommes dans le monde du travail, n’est-ce pas un peu naïf ? D’autant que le déploiement des premiers systèmes d’IA n’a pas vraiment démontré qu’ils étaient les alliés des femmes… « Les données utilisées par les IA sont engrangées dans un monde professionnel très masculin à de nombreux égards. Les professions numériques sont peu féminisées. Par définition, l’IA n’est donc pas favorable aux femmes », rappelle Hélène Chinal, coordinatrice du groupe de travail sur la formation IA et biais de genre au sein d’Impact AI.
Pourtant, « si les systèmes d’IA naissants peuvent présenter de nouveaux défis pour le travail des femmes, les impacts ne sont pas encore inévitables », avancent, optimistes, l’Unesco, l’OCDE et la Banque interaméricaine de développement (BID) dans un rapport dédié aux effets de l’IA sur la vie professionnelle des femmes. Hélène Chinal estime également que l’utilisation de l’IA peut avoir « un avenir positif » pour l’emploi des femmes. « Les IA sont biaisées mais les concepteurs comme les utilisateurs ont pris conscience de ces biais. C’est un levier de progression énorme. »
Autonomiser et former les femmes
Il faut dire que la marge de progression est tout aussi conséquente. « Partout dans le monde, les femmes dans la population active gagnent moins que les hommes, occupent moins de postes à responsabilités et ont tendance à occuper des emplois plus précaires dans l’ensemble », rappelle le rapport de l’Unesco, l’OCDE et la BID. Alors l’IA peut-elle constituer le coach professionnel dont les femmes ont toujours rêvé ? Dans une interview au Monde, Frédéric Bardeau, président et co-fondateur du centre de formation Simplon se réjouit que « l’IA [soit] un véritable outil de libération » des femmes. « Ces outils leur permettent de faire beaucoup de choses par elles-mêmes, en autonomie. Ils leur redonnent le pouvoir d’agir et réduisent leur dépendance vis-à-vis des sachants, qui sont souvent des hommes. »
En leur donnant accès à de nouvelles compétences, l’IA augmente les chances des femmes d’accéder à des tâches et des postes de plus grande qualité. « C’est une opportunité d’avoir des métiers à plus forte valeur ajoutée en supprimant les tâches inintéressantes, appuie Hélène Chinal. L’IA implique de repenser les métiers pour se concentrer sur ce qui en fait la valeur, en particulier pour les femmes qui occupent majoritairement les emplois peu qualifiés. » Reste que cette acquisition de nouvelles compétences ne sera, elle, pas automatique. « L’IA peut permettre à chacun et chacune d’augmenter son métier mais il faut le vouloir, résume l’experte. Les femmes doivent donc se saisir de cette opportunité. » Et, pour cela, surmonter les nombreux biais les tenant éloignées des nouvelles technologies.
