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« L’intelligence artificielle va remettre en question l’ascension au sein d’une profession »

L'intelligence artificielle va bousculer l'évolution au sein des professions
© Inria / B. Fourrier

L'intelligence artificielle ne va pas seulement remplacer les "petites mains". Elle va aussi fragiliser le rôle des travailleurs expérimentés.

C’est l’une des peurs de notre siècle : l’intelligence artificielle va-t-elle remplacer les travailleurs ? De nombreuses études se montrent alarmistes. Le laboratoire sur l’intelligence artificielle LaborIA travaille également sur les effets de l’IA sur le travail. Mais préfère une approche empirique. Yann Ferguson, son directeur scientifique, en tire des conclusions plus subtiles que celles que les gros titres mettent en avant. Interview.

Vous avec travaillé sur la différence entre les perceptions de l’IA et les observations terrain. Quels enseignements en avez-vous tiré ?

Yann Ferguson : Nous avons interrogé 250 dirigeants d’entreprises. 200 n’avaient pas encore travaillé sur un projet IA et 50 avaient des projets d’IA plus ou moins avancés. Ceux qui n’avaient pas engagé de projet se préoccupaient surtout de la déshumanisation du travail. Et s’interrogeaient sur la fragilisation des relations humaines. Ceux qui ont déjà une connaissance concrète de l’IA envisagent beaucoup moins cette menace. Leurs préoccupations concernent plutôt son impact sur l’autonomie des collaborateurs. Et la formation : comment assurer la pérennité des savoir-faire existants et leur valeur ?

Ces interrogations sont-elles légitimes ?

Y. F. : Oui car les dirigeants partent du postulat que l’IA va effectuer des tâches simples, ce qui fragiliserait les nouveaux entrants dans le métier. Or elle va en fait accélérer la montée en compétences de ces nouveaux entrants. S’il y a donc quelque chose à regarder avec vigilance, c’est la façon dont l’IA va affecter l’ascension au sein d’une profession. Ce qui était intéressant dans un métier, c’était de progresser et se distinguer de la personne que l’on était juste après le diplôme. Une progression qui se traduisait notamment dans le salaire, parce que l’expérience avait de la valeur. Mais aussi par un statut, celui d’expert, avec le prestige associé. Or l’IA remet en question ce postulat. Elle peut fragiliser les experts en accélérant la montée en compétences des nouveaux arrivants dans le métier. Et être synonyme de progression plus lente ou plus faible pour ces derniers.

Tous les métiers seront-ils concernés ?

Y. F. : Les études d’économistes sur les effets de l’IA reposent sur les théories développées dans l’étude de Carl Benedikt Frey et Michael Osborne, en 2013. Ils estimaient que plus un métier sollicitait l’intelligence créative, relationnelle ou 3D (la perception et la manipulation), moins il serait exposé à l’IA. À ce titre, les industries culturelles et créatives ont longtemps été considérées comme peu exposées à l’IA. Mais avec l’IA générative, c’est beaucoup moins vrai. Des personnes qui n’ont pas la compétence technique de la création peuvent réaliser des tâches créatives grâce à l’usage de l’IA. Pour ces métiers, cela impliquera soit une injonction productiviste, la rémunération venant récompenser le volume produit plutôt que la qualité du travail. Soit une baisse importante du chiffre d’affaires, parce que les clients ne seront plus prêts à dépenser autant d’argent qu’avant. Parce qu’ils estiment que les tâches ne consisteront plus qu’en une validation du travail de la machine.

Biographie

Après son doctorat en sociologie, Yann Ferguson a rejoint l’Ircam de Toulouse en tant que chercheur. Il a travaillé sur l’intelligence artificielle, le numérique, le travail et la transformation technologique. Depuis 2020, il est expert au sein du groupe de travail dédié au futur du travail du Partenariat mondial sur l’intelligence artificielle (GPAI). En 2023, il prend la direction scientifique du LaborIA, créé par le Ministère du Travail avec l’Inria. Il a également participé à 3 ouvrages collectifs : Les mutations du travail en 2019, L’intelligence artificielle dans toutes ses dimensions en 2020 et L’entreprise résiliente en 2023.

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

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