La nouvelle a tétanisé les salariés qui voyaient en ChatGPT un successeur potentiel. En septembre, la société de veille médias Onclusive a annoncé se séparer de près de la moitié de ses équipes. Pourquoi ? Ou plutôt… par quoi. Car elles ont vocation à être remplacées par un logiciel d’intelligence artificielle. Stupeur et tremblements chez les actifs français, pourtant habitués à entendre que nul n’est irremplaçable. L’heure du grand remplacement est-elle arrivée ? ChatGPT sera t-il une arme de destruction (de l’emploi) massive ?
La décision d’Onclusive – suspendue, depuis, dans l’attente de la présentation d’un nouveau plan social en décembre – a ravivé les chants des Pythie pour lesquelles l’IA signerait la fin de l’emploi. Celles-ci appuient notamment leurs prophéties sur une étude de Goldman Sachs, parue en avril. Cette dernière soulignait que « près des 2/3 des emplois américains [étaient] exposés à une automatisation via l’intelligence artificielle [générative] ». Et que, dans les emplois concernés, l’IA [générative] « remplacerait 25% à 50% des tâches ».
Gare aux Pythie mal informées
Trop peu d’oiseaux de mauvais augure n’avaient alors prêté attention à la suite de l’étude. Celle-ci stipulait pourtant que « l’ensemble des tâches automatisées ne se traduiraient pas par des licenciements ». Les auteurs expliquaient même clairement que « la plupart des emplois et des industries ne sont que partiellement exposés à l’automatisation et sont donc plus susceptibles d’être complétés par l’IA générative que remplacés ».
Une vision partagée par Florian Douetteau, fondateur de l’entreprise spécialisée dans la donnée Dataiku. L’entrepreneur a ouvert l’événement Everyday AI, le 16 novembre dernier, en rappelant que « l’IA est à l’intelligence humaine ce que la fast food est à la gastronomie ». Comprendre : il y a de la place pour tout le monde. Et l’avenir qu’on nous promet, dans lequel les robots dopés à l’IA générative remplaceraient tout bonnement les humains, n’est pas encore près d’arriver.
Une production industrielle de génies
En faisant preuve de davantage de nuance, il est même possible de se réjouir des avancées proposées par les IA génératives. L’humain n’a plus vocation à être remplacé mais augmenté. Dans une nouvelle étude parue fin septembre dans la revue d’Harvard, 9 chercheurs ont démontré l’intérêt de ChatGPT pour la productivité des consultants. En effet, ceux qui ont eu recours à ChatGPT ont réalisé 12% de tâches supplémentaires, 25% plus rapidement et dont le rendu était 40% plus qualitatif que ceux qui ne l’ont pas utilisé.
Surtout, « l’intelligence artificielle générative réduit les écarts de performance entre les salariés les plus compétents et les salariés les moins compétents », souligne Jérôme Barthélémy, directeur adjoint de l’Essec, dans une tribune au Monde. L’utilisation de ChatGPT a dopé la performance des consultants les moins compétents de 43%, contre 17% pour les plus doués. « L’intelligence artificielle nivelle donc les écarts de performance entre les salariés »… par le haut.
Non, les IA génératives ne vont pas (encore) remplacer les humains. Mais elles peuvent drastiquement en améliorer les qualités. Jusqu’à en faire des génies ? « On vit dans un monde où il y aura des millions de Mozart mais qui n’écriront pas une seule note. Des milliers de De Vinci mais qui ne tiendront pas de pinceau », a décrit Florian Douetteau lors d’Everyday AI. Longue vie à l’IA générative… et à l’intelligence humaine.