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La France a t-elle les moyens de ses ambitions quantiques ?

L'écosystème quantique français est solide mais encore trop peu rayonnant
© gremlin via iStock

L'écosystème quantique français présente de nombreux atouts. Mais doit faire face à plusieurs défis pour espérer prendre de vitesse ses concurrents, notamment américains.

« Maîtriser les technologies numériques souveraines et sûres. » Et notamment l’informatique quantique. Voilà la priorité qu’édictait le président Emmanuel Macron dans son discours de présentation du plan France 2030, en 2021. 3 ans plus tard, l’écosystème quantique se développe à la vitesse grand V et les investissements se multiplient. Mais la France reste une petite joueuse dans la cour du quantique. Selon une étude menée par le BCG l’an dernier, la part de marché des États-Unis dans le secteur est déjà près de 2 fois supérieure à celle de l’Union européenne (27% contre 14%, dont 3% pour la France).

L’Hexagone dispose cependant de nombreux atouts pour devenir une place stratégique des technologies quantiques. Laboratoires de recherche, groupes industriels, start-up et investisseurs se mobilisent pour sécuriser l’innovation sur le territoire. Mais chaque type d’acteurs doit faire face à ses propres défis.

Une recherche en manque de talents

D’abord, la France peut compter sur « une recherche active et de qualité ». Les mots sont ceux d’un rapport du Sénat sur « La stratégie quantique française », publié en 2022. 3 des laboratoires de recherche parmi les plus prestigieux de l’Hexagone (le CEA-IRIG, le CNRS-Institut Néel et le CEA-LETI) travaillent ensemble au sein du projet Quantum Silicon, à Grenoble. L’Inria est un autre moteur de la recherche, à travers son programme QuantumTech. Et sa participation à 2 projets quantiques européens, Equality et QIA2. En effet, les programmes de recherche européens regroupés sous le « flagship quantique » ne peuvent obtenir des financements de l’UE que si des institutions d’au moins 3 pays différents y prennent part.

Néanmoins, cet écosystème reste précaire à plus d’un titre. Pécuniairement parlant, les salaires des chercheurs ne constituent pas une motivation pour attirer de nouveaux profils. Ce qui aboutit à des défections vers le privé, qui affaiblissent la recherche fondamentale essentielle pour développer les technologies quantiques. Dans son rapport, le Sénat souligne ainsi que « Pascale Senellart [chercheuse au CNRS, NDLR] appelle à la vigilance sur la formation des cerveaux et des talents, dont les effectifs sont aujourd’hui majoritairement absorbés par les jeunes pousses ».

Des start-up en quête de structures d’accompagnement

Il faut dire que l’écosystème des start-up du quantique a considérablement grossi ces dernières années. D’une poignée de structures confidentielles à la fin des années 2010, elles sont aujourd’hui une solide vingtaine. Et peuvent compter sur quelques figures de proue, à l’instar de Pasqal. En janvier 2023, la start-up a frappé un grand coup en levant 100 millions d’euros. En novembre, c’était au tour de Quandela d’annoncer avoir rassemblé 50 millions.

Pour aiguillonner autant qu’aiguiller les innovateurs du quantique, l’association La Lab Quantique a ouvert, en octobre dernier, une Maison du Quantique, hébergée par Station F. L’occasion de faire cohabiter les chercheurs employés par les start-up du secteur et les doctorants de grands groupes. De son côté, Bpifrance s’apprête à clore son appel à projets pour son « incubateur de start-up quantiques ». Il doit permettre « d’identifier et sélectionner un ou plusieurs acteurs, ou un groupement d’acteurs privés et/ou publics, portant un projet de startup studio, d’un incubateur ou d’un accélérateur spécialisé en technologies quantiques ». Bref, l’écosystème quantique innovant existe mais il lui reste à trouver des structures capables d’accompagner son développement et structurer le secteur.

Des grands groupes sous la pression américaine

Les grands groupes s’y emploient. Atos a lancé dès 2016 un programme dédié, Atos Quantum. Le rapport du Sénat soulignait d’ailleurs qu’il était, à l’époque, « le premier déposant européen de brevets sur le calcul quantique ». Et qu’il était un acteur central grâce à « des partenariats avec la recherche académique ou des jeunes pousses aux niveaux français ou européen ». Las, les déboires boursiers du groupe fragilisent sa position de leader. De leur côté, Airbus, Total et Dassault Aviation sont associés au projet européen PASQuanS, officiellement lancé l’an dernier.

Mais les géants américains ne sont pas en reste. L’an dernier, Google a ridiculisé ses concurrents en démontrant que son ordinateur quantique était capable de réaliser en quelques secondes 47 années de calculs d’un supercalculateur classique. Amazon a rejoint la course au quantique en 2021, avec un campus dédié, ouvert aux États-Unis. Et IBM a même poussé le culot jusqu’à créer un centre de recherche sur le quantique… en France, à Montpellier. La recherche française est connue pour sa qualité et les groupes américains comptent bien l’exploiter.

Des investisseurs privés trop peu nombreux

Dans son discours, il y a 3 ans, Emmanuel Macron estimait que « nous [devions] assumer d’avoir aussi des investissements publics aux niveaux national et européen pour consolider les stratégies que nous avons développées, en particulier dans le quantique ». À vrai dire, le public reste à ce jour la principale manne financière du quantique. L’Hexagone a ainsi débloqué 1 milliard d’euros sur 5 ans, dès 2021, pour son plan quantique (d’un montant total de 1,8 milliard). Le « quantum flagship » européen est, lui, doté de 1 milliard sur 10 ans – et a en partie financé le plan français. Les collectivités mobilisent elles aussi quelques lignes de financement pour promouvoir l’innovation locale. Au total, ce sont pas moins de 6,5 milliards d’euros de financements publics que le BCG a recensés dans son étude à l’échelle européenne. Trop peu ? Peut-être mais ce montant reste 2 fois plus élevé qu’aux États-Unis…

La vraie différence se joue dans le secteur privé. L’Europe compte moins d’une dizaine de fonds spécialisés dans le quantique. Et pour une enveloppe totale ne dépassant pas quelques centaines de millions d’euros. La France est bien lotie, avec Quantonation, créé en 2018. Initialement fort d’un véhicule d’investissement dédié à l’amorçage de 40 millions d’euros, le fonds a remis le couvert avec un objectif de plus de 300 millions. Alors qu’il souhaitait initialement faire émerger « 5 ou 6 start-up du quantique », il a déjà investi dans plus d’une vingtaine de pépites.

Dans un article consacré au quantique, l’Institut Montaigne souligne que la France dispose d’un écosystème quantique solide. Et conclut qu’elle « possède ainsi tous les atouts pour se positionner au niveau mondial ». Reste à les faire rayonner suffisamment pour ne pas rater le coche. Devant les sénateurs, Georges-Olivier Reymond, co-fondateur et PDG de la start-up Pasqal rappelait que « la première évolution quantique a été développée par des physiciens européens ». « Mais le marché est essentiellement positionné aux États Unis, regrettait-il. Pour la deuxième révolution, essayons d’en conserver un plus grand morceau ! »

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

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