À six mois de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron fait encore le pari de la « start-up nation ». Le plan de relance « France 2030 », dévoilé mardi 12 octobre, vise à réindustrialiser la France. Le but : réduire la dépendance de l’Hexagone, mise en lumière par la crise du Covid-19, aux marchés étrangers sur certains secteurs clés, comme la santé. Cette nouvelle enveloppe de 30 milliards d’euros s’ajoute aux 140 milliards d’euros de mesures d’urgence déjà déployées au cours de la crise, ainsi qu’au plan de relance de 100 milliards d’euros présenté il y a un an.
Les start-up, porteuses des nouvelles révolutions ?
Le fil rouge de « France 2030 » : l’innovation. La moitié des fonds, soit environ 15 milliards d’euros, sera donc allouée à de nouveaux acteurs. « L’opposition entre les start-up et l’industrie est une opposition du XXème siècle, a martelé Emmanuel Macron. Notre pays va se réindustrialiser par des start-up technologiques. Et nos grands groupes industriels vont survivre, se transformer et gagner la partie grâce à l’innovation de rupture de start-up qu’ils auront incubées ou rachetées, ou avec lesquelles ils auront des partenariats. »
Un point de vue partagé par Anthony Bert, cofondateur d’Ÿnsect, start-up spécialisée dans l’élevage d’insectes destinés à l’alimentation. « Les précédentes révolutions ont été menées par de nouveaux entrants. Aujourd’hui, ce sont les start-up qui les portent. La création d’un écosystème fort entre start-up et grands groupes, mais aussi entre centres de recherche et universités, doit permettre à la France en 2030 d’être une locomotive technologique et économique. »
Doit-on tout miser sur les start-up ?
En misant sur la collaboration entre start-up et grands groupes, Emmanuel Macron adopte « un discours dans la continuité de sa présidence et du concept de ‘start-up nation' », analyse Sarah Guillou, directrice du département innovation et concurrence à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). « L’idée est surtout de démontrer que les conditions sont réunies pour la création d’un écosystème et que la création d’entreprises doit être facilitée. » L’économiste insiste sur un point important du discours d’Emmanuel Macron : la finalité du plan, ce n’est pas de financer les start-up, mais de créer une culture d’innovation qui doit infuser au sein des grands groupes industriels.
« Toutes les entreprises doivent se placer dans des processus d’innovations de procédés ou organisationnels. La relance ne pourra pas être menée exclusivement par les start-up car par définition, il s’agit de petites entreprises avec des processus de création très aléatoires associés à une grande prise de risque… et au taux d’échec important. D’un point de vue macroéconomique, il faut aussi rappeler que les start-up représentent encore un nombre minime d’entreprises en France », rappelle-t-elle. Certes, l’écosystème en pleine croissance : la France recense environ 20 000 start-up à date, pour 530 000 emplois directs à la clef, selon les chiffres de la French Tech. En outre, les 120 jeunes pousses des indices Next40 et FT120 (indices identifiant les start-up jugées les plus prometteuses, ndlr.) ont créé 10 000 emplois nets en 2020 et devraient en créer au moins autant cette année. Mais au regard des 29,8 millions d’actifs recensés par l’Insee en 2018, force est de constater que les start-up sont encore loin de représenter la majorité de l’emploi.
Se pose aussi une autre question : pour transformer l’industrie, les start-up sont-elles l’unique levier ? En 2019, Marie Coris et Pierre Dos Santos, chercheurs à l’université de Bordeaux, rappelaient que l’innovation vient souvent d’une activité de recherche régulière et organisée (dans deux tiers des cas). Un constat qui viendrait plutôt appuyer une stratégie de R&D poussée en entreprise sur le long terme plutôt que de faire appel à de nouveaux acteurs, dont l’objectif est de proposer un produit ou un service en rupture avec l’existant. En 2017, le journaliste Philippe Vion-Dury rappelait ainsi dans Socialter que l’objet d’une start-up est de perturber les codes des marchés, dans un enjeu de croissance rapide. Un tempo pas toujours en lien avec celui de l’industrie, dont les procédés sont parfois très longs.
Une des solutions pourrait être la formation. « C’est un grand manque de ne pas avoir développé l’éducation dans ce plan, car cela est primordial pour la réussite d’un tel projet, estime Sarah Guillou. L’éducation est l’un des pilier fondamental pour produire des effets à long terme. Or, la France est en train de subir des pénuries de main d’œuvres dans certains secteurs, avec un manque sur certaines qualifications du futur. Sans oublier que le progrès technique auquel croit ce gouvernement conduira, dans une certaine mesure, à un remplacement de l’homme par la machine. Il faut donc aussi penser l’emploi du futur. »