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Abandonner certains produits pour être plus durable, sans perte de CA ? Photoweb y croit

claire Bezal
© Photoweb

Abandonner son produit phare pour être plus responsable, c'est le pari de Photoweb. Interview de Claire Bezal, directrice marketing du groupe.

10 000 tonnes de CO2 chaque année, voilà le lourd bilan qui a poussé Photoweb à opérer une transformation radicale en faveur de l’environnement. Au programme : sensibilisation des équipes, investissements massifs en R&D, mais surtout abandon de certains produits phares. De la part de l’un des leaders de l’impression photo, l’engagement n’est pas anodin. De quoi inspirer l’ensemble de la filière, espère Claire Bezal, directrice marketing de l’entreprise. Interview.

Le secteur de l’impression photo est, par nature, polluant. Quel a été le point de départ de votre nouvelle trajectoire écologique ?

Claire Bezal : En 2021, les DG et PDG de Photoweb ont participé à la Convention des entreprises pour le climat. Un vrai déclic ! Ils ont pris conscience du rôle que pouvait – et devait – jouer Photoweb en faveur de l’environnement, mais surtout de l’urgence de la situation. C’est la vraie différence : je pense que toutes les sociétés savent qu’il faut faire attention à l’environnement, mais l’événement leur a permis de se rendre compte qu’il fallait s’y mettre tout de suite. La première étape a été de faire notre bilan carbone, en se basant sur les 3 scopes. Les résultats étaient éloquents : Photoweb générait quasiment 10 000 tonnes de CO2 par an, soit 300 tonnes par million d’euros de chiffre d’affaires. Cet exercice nous a permis d’identifier quelles étaient les activités les plus génératrices, et les leviers à activer.

Quelles actions avez-vous mis en place à la suite de cette prise de conscience ?

C. B. : La première étape a été de sensibiliser les équipes par des conférences, des ateliers ou des « déjeuners climat ». Nous avons également créé une direction RSE. Mais nous avons aussi décidé d’agir concrètement, en nous attaquant au cœur de notre activité. 20% de nos émissions de CO2 étaient générées par un seul produit : le tirage photo argentique. C’est de ce produit qu’est née notre entreprise. Le repenser est un bouleversement mais nous ne pouvions pas y échapper. Nous travaillons donc sur un ambitieux projet de R&D, avec un partenaire industriel français, pour créer un système d’impression plus vertueux qui garantisse la même qualité et la même productivité. Car il existe aujourd’hui des solutions alternatives mais qui ne permettent pas d’assurer nos 80 millions de tirages annuels. Ce nouveau procédé nous permettra de diviser par 3 notre empreinte carbone et ce dès la fin de l’année. Nous n’allons pas breveter cette technologie car nous ne voulons pas que cette innovation reste secrète. Ce que nous souhaitons, c’est embarquer l’ensemble du secteur, que nos concurrents nous suivent. C’est super que notre entreprise réduise son empreinte carbone mais ce n’est pas suffisant.

Notre deuxième projet d’envergure est de réaliser une analyse du cycle de vie complète de notre gamme, pour éco-concevoir l’ensemble de nos produits d’ici 2030. Mais nous n’attendons pas cette échéance pour commencer à agir. Nous avons par exemple retiré tout le plastique de nos calendriers, ce qui nous a permis d’économiser 56 tonnes de CO2. Nous travaillons avec le label Imprim’Vert. Nos emballages sont labellisés FSC. Et enfin, nous avons relocalisé une bonne partie de nos approvisionnements. Par exemple, nous produisions auparavant nos boîtes à photos en Chine. Elles avaient un format assez particulier, qui n’était pas disponible en France. Nous avons donc repensé le format pour nous approvisionner à Romans-Sur-Isère, à moins de 100 kilomètres de chez nous.

Toutes les équipes ont-elles répondu positivement à ces initiatives ?

C. B. : L’avantage d’opérer à Grenoble, c’est que nous évoluons dans une ville pionnière sur la question environnementale. De nombreux collaborateurs étaient donc déjà sensibilisés au sujet. En interne, plusieurs groupes s’étaient d’ailleurs formés pour mettre en place certaines actions. L’exercice a été plus facile pour les bureaux que les ateliers de production. Certaines personnes ont émis quelques craintes, dans la mesure où elles travaillent sur la technologie argentique depuis leur arrivée chez nous. C’est pour cela que nous avons organisé, le 9 février, une journée blanche. Tous nos ateliers ont été fermés pour que l’ensemble des équipes puisse assister à une journée de conférences. Nous avons aussi tenu à les rassurer : chaque personne concernée sera formée aux nouvelles techniques.

Quel est le coût d’une telle stratégie ?

C. B. : Je pense qu’il faut penser en termes de réallocation des coûts. Là où nous ne considérions que l’impact sur le chiffre d’affaires d’une opération, nous considérons désormais son impact environnemental. C’est un nouveau critère. Bien sûr qu’investir en R&D, dans de nouvelles machines ou créer des postes est coûteux. Mais cet argent que nous dépensons ici, nous ne le dépenserons pas ailleurs. Nous ne sommes pas dans une logique de baisse de chiffre d’affaires, nous visons toujours la croissance, mais nous voulons nous engager pleinement dans cette nouvelle stratégie. Ainsi, nous pourrions être amenés à ne plus proposer certains produits s’il n’est pas possible de les éco-concevoir – je pense notamment aux mugs. Pour pallier la perte de revenus induite, l’idée est donc de sortir d’une approche volumique et de monter en gamme. Sur certains produits, cela pourrait se traduire par une hausse des prix. Nous avons mené des sondages auprès de notre clientèle. Pour 50% des personnes interrogées, il est envisageable de payer plus cher pour des produits éco-conçus. Nous imaginons que cette part sera en progression constante. Il faut comprendre que nous opérons une transformation intégrale, en tant que marque, et que nous souhaitons embarquer nos clients avec nous. Nous avons conscience que tous ne pourront pas nous suivre, mais nous espérons répondre au mieux à leurs attentes et leurs préoccupations.

Vous vous engagez pleinement dans une logique de durabilité, néanmoins vos produits restent physiques et ont donc forcément une empreinte environnementale. Quelles sont les prochaines étapes ?

C. B. : Nous n’excluons aucune piste à moyen ou long terme. Nous pensons que les sociétés peuvent se transformer intégralement. Notre mission est de pérenniser les souvenirs. Pour l’instant, au format physique, mais toutes les pistes s’offrent à nous. Nous pourrions, par exemple, nous orienter vers une gamme de services !

Biographie

Diplômée de l’École Supérieure de Commerce de Strasbourg, Claire Bezal a commencé sa carrière au sein du groupe Adidas. Elle a rejoint Photoweb depuis plus de 13 ans. Après avoir occupé les postes d’analyste marketing puis responsable analyse et CRM, elle dirige le service marketing depuis 2016 et pilote aujourd’hui l’ensemble des activités marketing et commerciales.

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

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