Sur le papier, on peut s’interroger. Comment KSB France, la filiale du leader mondial des pompes et robinets industriels, peut-elle être l’interlocutrice idéale pour parler de décarbonation ? L’activité est polluante, l’entreprise née en 1871 et le chiffre d’affaires dépasse les 2 milliards d’euros. Pas exactement les ingrédients habituels d’une boîte à la sauce écolo. Pourtant, Boris Lombard, président de la branche française, n’est pas avare en partage de bonnes pratiques sur le sujet. Quand il s’agit de réduire ses émissions carbone, il ne lésine pas sur les investissements. Et il l’assure : les résultats se voient vite, y compris financièrement ! Interview.
Au sein de KSB France, vous mettez en place de nombreuses initiatives en matière de décarbonation, qui vont au-delà des obligations. Avez-vous quelques exemples à partager ?
Boris Lombard : Il n’y a pas de petits gestes. Fixer une limite de température dans les bureaux ou isoler les bâtiments sont des mesures qui sont assez faciles à mettre en place. Certaines sont plus coûteuses, comme l’installation de panneaux solaires. Nous prévoyons ainsi d’investir 13,5 millions d’euros dans les prochaines années pour équiper notre usine de Lille. C’est un premier investissement, qui pourra être complété, et qui devrait nous permettre de baisser de 85% notre empreinte carbone. Nos investissements ont un ROI de 2 à 5 ans, nous rentrons très rapidement dans nos frais.
Investir autant sans y être obligé, cela demande un certain état d’esprit. Quel est le vôtre ?
B. L. : Je pense qu’aujourd’hui, tout le monde est conscient de l’urgence environnementale. Elle touche tout le monde, dans tous les pays. Les dirigeants ne peuvent plus l’ignorer : la crise climatique a des conséquences sur l’ensemble des activités. Nous avons nous-mêmes essuyé un orage de grêle dans l’usine en Dordogne qui a affecté la production. Vivre les aléas du climat accroît forcément la sensibilité au sujet. Mais pour agir, il faut des convictions personnelles. Un chef d’entreprise est aussi un citoyen. Et cela vaut bien sûr également pour les salariés, qui souhaitent de plus en plus aligner leurs valeurs et celles de l’organisation, surtout quand il s’agit des jeunes générations. Je dirais donc qu’en plus d’avoir un état d’esprit concerné et des convictions personnelles, j’ai la chance d’avoir un certain nombre d’alliés dans l’entreprise. C’est important de pouvoir détecter les forces motrices sur ces sujets. Car une fois que vous montrez de vrais engagements, il y a un effet « tâche d’huile » assez porteur. Et lorsque la bataille des esprits est gagnée dans l’entreprise, le niveau d’exigence des salariés augmente et il devient plus facile d’embarquer l’ensemble des managers dans ces conditions.
La filiale française de KSB annonce des ambitions plus importantes que celles du groupe en matière de décarbonation. Comment cela est-il perçu ?
B. L. : Le groupe est engagé depuis des années sur ces sujets. Par exemple, depuis une vingtaine d’années, nous travaillons sur l’efficience de nos produits. D’ici 2025, l’ambition de KSB est de baisser son empreinte carbone de 30%. Il y a donc une ligne directrice, dont les filiales s’emparent. Nous sommes effectivement, en France, tête de pont sur ces sujets. Le fait d’appartenir à une entreprise industrielle, allemande et familiale permet de naviguer dans une culture du temps long. C’est sûr que, dans ces conditions, il est plus facile d’investir dans la décarbonation – par rapport à d’autres entreprises dont les actionnaires ont les yeux rivés sur le cours de la Bourse, d’un trimestre à l’autre.
Aux côtés d’autres acteurs du secteur, vous avez contribué à faire évoluer la réglementation européenne. La décarbonation doit-elle compter sur la collaboration plus que sur la compétition ?
B. L. : Cela remonte à 10 ans déjà, mais en 2013, nous avons effectivement participé à l’élaboration de nouveaux standards pour abaisser de manière collective et simultanée l’empreinte carbone des pompes industrielles. En termes de résultats, les nouvelles réglementations européennes ont permis d’économiser 30 térawatts en Europe – soit l’équivalent de la production d’un pays comme l’Irlande ! Cela montre bien l’impact qu’une action collective menée par une profession dans son ensemble peut avoir au niveau européen. Et il ne faut pas s’arrêter là. L’Union européenne, soucieuse de respecter l’Accord de Paris apporte son lot de tsunamis réglementaires à venir. Il y a de grands objectifs à atteindre en un temps restreint. Les contraintes vont s’accélérer. Cela comporte certains risques : j’appelle de mes vœux l’Europe à s’appuyer sur les entreprises pour arriver à des réglementations gérables d’un point de vue technique et financier. Cela n’est possible que si l’on travaille en filière. Les concurrents ont des intérêts communs à définir ensemble les normes. C’est beaucoup plus vertueux que de rester dans son coin et de subir la réglementation. Cela permet aussi de dresser des barrières à l’entrée pour d’autres concurrents, extérieurs à l’Europe, qui ne suivraient pas le rythme.
Biographie
Boris Lombard a débuté sa carrière en 1992 au sein du Groupe Markem Imaje où il a évolué jusqu’à devenir Directeur Général de la filiale italienne. De 2004 à 2016, il travaille chez Wilo SE en qualité de Senior Vice-President Europe du Sud avant d’élargir ses responsabilités au continent européen puis en tant que Senior Vice-Président en charge de la Stratégie et des Acquisitions à partir de 2012. Il rejoint le groupe allemand KSB en janvier 2017 au poste de Regional Executive Officer – Western Europe. En janvier 2020, il est nommé Président de la Division Internationale Robinetterie de KSB, poste qu’il cumule actuellement avec celui de Président de KSB SAS. Il est également membre du Comité Exécutif de Viva Fabrica.