Décroissance (nom féminin) : action de décroître. (Économie) Politique préconisant un ralentissement du taux de croissance dans une perspective de développement durable. En 2009, le Larousse intègre pour la première fois cette définition factuelle d’une théorie économique qui existe pourtant depuis les années 1970. Longtemps réservée aux économistes étiquetés « radicaux », elle a pris du galon. Notamment poussée par l’urgence climatique qui s’est faite plus pressante.
Cette urgence a été rappelée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui a rendu fin mars son 6e rapport. Sans surprise, il presse les autorités et les entreprises à agir au plus vite pour inverser la tendance climatique. Et évoque la décroissance comme une solution : « la littérature sur la décroissance, la post-croissance et le post-développement questionne la soutenabilité et l’impératif de davantage de croissance, en particulier dans les pays déjà industrialisés et argue que la prospérité et la « belle vie » ne sont pas immuablement liées à la croissance économique ».
La décroissance ou l’obligation à une certaine radicalité
Décroître est devenu le credo de ceux qui estiment qu’il faut changer de grille de lecture. L’objectif ? S’adapter aux contraintes imposées par la planète. Auteur du livre Ralentir ou périr, l’économiste Timothée Parrique explique ainsi que « loin d’être le remède miracle aux crises auxquelles nous faisons face, la croissance économique en est la cause première. Derrière ce phénomène mystérieux qui déchaîne les passions, il y a tout un système économique qu’il est urgent de transformer ».
« Le véritable choix est le suivant : décroissance choisie aujourd’hui ou effondrement subi demain, tranche dans son ouvrage l’économiste. La manière douce ou la manière forte. Des deux transitions, je pense que la première, une stratégie démocratiquement organisée, juste, sélective, et progressive, sera plus heureuse que son alternative : un rationnement brutal et injuste par la pénurie. » La décroissance serait ainsi la seule solution face à l’héritage écologique de la croissance économique des dernières dizaines d’années.
Croître autrement pour ne pas décroître
La décroissance a aussi ses adversaires et ils sont non seulement nombreux mais aussi éclectiques. Chez les économistes, le récent rapport Pisani-Mahfouz jette une pierre dans le jardin des décroissants. Commandé par Elisabeth Borne pour éclairer les conséquences économiques de la transition écologique, il écarte l’idée d’une décroissance. « Ce n’est pas par la décroissance qu’on atteindra la neutralité climatique, assènent ainsi les auteurs. C’est certes en mobilisant les marges de sobriété, mais surtout en décarbonant l’énergie par la substitution de capital aux énergies fossiles et en réorientant le progrès technique vers les technologies vertes. Or si ces mécanismes peuvent ralentir temporairement la croissance, il n’y a pas de raison forte de penser qu’ils vont avoir des effets permanents sur l’évolution du potentiel économique. » Et de conclure que « sobriété n’est pas nécessairement synonyme de décroissance et peut de plus être source de bien-être ».
Parmi ses opposants les plus farouches, la décroissance trouve sans surprise les représentants des entreprises. Ils voient d’un mauvais œil l’idée de devoir freiner leur production. Dans une interview accordée aux Échos, le candidat à la présidence du Medef Patrick Martin affirme ainsi que « nous ne pourrons pas relever les défis qui s’accumulent si nous ne produisons pas plus ». Chantre de la croissance responsable, il a précisé son propos dans son programme : « sans croissance, je ne vois pas comment on financera les investissements massifs auxquels on est tenu – entreprises, ménages, sphère publique aussi – pour tenir la trajectoire de décarbonation« .
À chacun de prendre ses responsabilités
Les partisans d’une croissance vertueuse et chantres de la décroissance sont-ils irréconciliables ? Ils s’accordent au moins sur le fait qu’un changement s’impose urgemment. Et que tout le monde doit y contribuer. Timothée Parrique résume cela de façon lyrique dans son livre : « les comportements qui sont aujourd’hui la cause de notre malédiction sont déterminés par des conventions sociales, rien de plus. Les chefs d’entreprise ne sont pas des monstres cupides. Pas plus que les haut-fonctionnaires sont des bureaucrates sans passion et les publicitaires des escrocs. Nous jouons tous un rôle spécifique dans le grand théâtre de l’économie. La première étape pour la transformer, c’est d’admettre que ces rôles peuvent changer ». À chacun de se demander quel rôle il souhaite désormais jouer.