40% de femmes cadres dirigeantes à horizon 2029. C’est l’ambition de la loi Rixain pour les grandes entreprises. Celle-ci oblige notamment les organisations de plus de 1 000 personnes à renseigner sur le site « Représentation équilibrée » les écarts de représentation entre les femmes et les hommes au sein de leurs instances dirigeantes. Mais les grands groupes ne sont pas les seuls à devoir communiquer sur leur politique d’égalité. Depuis 5 ans, les entreprises d’au moins 50 personnes doivent publier sur leur site internet leur index de l’égalité professionnelle. Un outil qui doit permettre aux entreprises de s’améliorer, mais qui présente certaines limites.
Que calcule exactement l’index d’égalité professionnelle femmes-hommes ?
« Les critères varient selon la taille de l’entreprise », détaille Muriel Besnard, consultante juridique pour la veille légale RH – droit social chez ADP. Pour les entreprises de plus de 250 personnes, 5 critères sont pris en compte. Tout d’abord, l’écart de rémunération, qui compare les salaires moyens des femmes et des hommes, par tranche d’âge et par catégorie socio-professionnelle. Ensuite, l’écart de répartition des augmentations individuelles selon les genres. Puis l’écart de répartition des promotions entre les femmes et les hommes. Le 4e critère concerne le pourcentage de salariées augmentées au retour de leur congé maternité avant la fin de l’année de référence. Enfin, l’index mesure la part d’hommes et de femmes parmi les 10 plus hautes rémunérations de l’entreprise. « C’est un peu différent pour les organisations qui comptent de 50 à 250 salariés. L’index tient alors compte des situations de promotion pour mesurer l’écart des salaires. »
Un exercice complexe
Les grandes organisations sont plutôt bien rodées à l’exercice. « D’ailleurs, elles produisaient des indicateurs sur le sujet avant l’application de la loi », témoigne Muriel Besnard. La France est notamment en tête du palmarès de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les grandes entreprises, édité par Équileap. Les choses se compliquent pour les entreprises plus modestes. « Celles qui franchissent le seuil de 50 salariés n’ont pas cette habitude. Elles ont d’autant plus besoin d’accompagnement pour se mettre en conformité avant les 3 ans impartis. » L’experte explique que de plus en plus d’entreprises font appel aux éditeurs RH et de logiciels de paie pour calculer leur index. « Autrefois, les organisations faisaient l’exercice de façon un peu artisanale, à l’aide d’un fichier Excel. Il s’avère qu’il est plus simple de s’appuyer sur des partenaires pour automatiser ces calculs, les affiner et surtout trouver des mesures correctives. »
Des sanctions en cas de manquement
Car depuis 2022, en cas de score inférieur à 85 points (sur 100), les entreprises doivent fixer des objectifs de progression pour chacun des indicateurs. Si le score est inférieur à 75 points, elles doivent adopter et publier des mesures de correction. En cas de manquement, une mise en demeure d’un mois minimum permet à l’entreprise de régulariser sa situation avant sanction financière.
Mais ce n’est pas tout : en l’absence de résultat, les entreprises qui n’auront pas atteint 75 points au bout de 3 ans consécutifs pourront se voir appliquer une nouvelle pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1% de la masse salariale. Le spectre des sanctions pousse les entreprises à s’améliorer. « Le score moyen est passé de 84 points en 2020 à 88 l’an dernier, note Muriel Besnard. Mais peu atteignent les 100 points. » Parmi les indicateurs qui stagnent, celui de la part des femmes parmi les hautes rémunérations. « Mettre en place des mesures correctives sur ce type d’item demande du temps », note-t-elle. Parfois plus que les 3 ans impartis.
Des entreprises en progression… mais un outil imparfait
Par ailleurs, Muriel Besnard rappelle que certains indicateurs sont binaires – notamment celui concernant le rattrapage salarial en cas de congé maternité ou d’adoption. « Les entreprises qui mettent en place les mesures nécessaires obtiennent 15 points, les autres 0. Cela suffit à plomber un score ». L’outil est donc perfectible pour les entreprises… mais aussi pour les salariées, admet Muriel Besnard. « Il ne permet pas de calculer tous les écarts. C’est une première étape mais qui n’est pas suffisante », estime-t-elle. Il existe par exemple un « seuil de pertinence » sur l’indicateur mesurant l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes. Ainsi, un écart global de 5% tombera à 0% grâce à l’application du seuil de pertinence. L’entreprise aura alors le maximum de points sur cet item. En ce qui concerne l’indicateur concernant l’écart d’augmentation individuelle, le montant de ladite augmentation est négligé. Si une entreprise augmente 10 femmes de 10 euros et 10 hommes de 100 euros, elle obtiendra la note maximale sur cet item.
ONG et syndicats (Oxfam, CGT…) dénoncent un outil « biaisé », qui « masque les discriminations ». En 2023, l’ex-Première ministre Elisabeth Borne avait annoncé que l’index devait « monter en charge progressivement ». Dans le même temps, le gouvernement avait lancé un plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qui devait favoriser l’accès aux marchés publics aux entreprises ayant obtenu une note suffisante. Pour les plus critiques, il est impératif de réformer l’index. Cela passe par le renforcement de certains indicateurs (en supprimant le seuil de tolérance, par exemple) ou l’intégration de nouvelles variables (comme la question du temps partiel). Charge au nouveau gouvernement de prêter l’oreille à ces revendications…