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Blaise Desbordes (Max Havelaar) : « La faillite des régulateurs a créé un Far West social et environnemental »

Blaise Desbordes
© Fabian Charaffi

La mondialisation a entraîné une forme d'hypercompétition entre les entreprises. Le directeur général de Max Havelaar plaide pour une internalisation des externalités négatives.

Internaliser les externalités négatives, c’est ce qu’il faudrait pour une économie plus respectueuse des gens et de l’environnement, estime Blaise Desbordes. Le directeur général de Max Havelaar en France regrette que les régulateurs aient failli à créer des règles communes, provoquant une forme de violence économique. Interview.

Vous expliquez que la mondialisation a pour pendant une forme de violence économique. Qu’entendez-vous par là ?

Blaise Desbordes : La violence économique est le grand « non-dit » de la mondialisation depuis 30 ans. Nous avons exporté la maltraitance, loin des yeux et loin du cœur. Malgré ses efforts, la RSE a ouvert 2 voies contradictoires : soit tous les acteurs se mettent au niveau social et environnemental, soit les entreprises concernées par les réglementations doivent cacher offshore une forme de violence économique, sociale et environnementale.

Qu’est-ce qui explique que la deuxième voie ait été choisie ?

B. D. : Le principe de l’économie libérale est d’arriver à un optimum produit. L’une des composantes pour y arriver, c’est le prix. C’est même central lorsque l’on est soumis à une compétition globale. Si le terrain de jeu dans lequel on évolue n’est pas contrôlé par une même organisation régulatrice, les contraintes sont hétérogènes selon les pays et les différenciations sans pitié, les acteurs recherchant la compétitivité-prix en dégradant l’environnement ou maltraitant des personnes bien loin de leur siège social. C’est ce que l’on appelle les externalités négatives. Dès que l’on rend possible la transaction de biens sans filtre environnemental et social entre zones aux standards différents, on institutionnalise cette dynamique. C’est pourquoi, pour inverser la donne, il faudrait internaliser les externalités, notamment par des taxes ad hoc.

Que manque-t-il aujourd’hui pour internaliser les externalités ?

B. D. : À force de botter en touche dans le débat public sur des sujets un peu structurants comme les taxes carbone, le système n’évolue pas. Pourtant, tous les outils, y compris macro-économiques, sont disponibles. Je dirais que ce qu’il manque surtout, c’est la capacité des États et des régulateurs à avancer dans une même direction, à éviter le dumping de pays ou de groupes de pays. Supprimer les barrières douanières sans mettre en place de conditions respectant les coûts environnementaux et sociaux est inacceptable.

Quid des responsabilités individuelles ?

B. D. : Je ne pense pas qu’il y ait de dirigeants qui soient cyniques au point de porter délibérément atteinte à l’environnement ou aux droits des gens. En revanche, certains sont piégés dans des dissonances cognitives, des dilemmes terribles. C’est parfois une question de survie. Face à une concurrence peu scrupuleuse, un patron de PME doit-il laisser disparaître son entreprise ? Ou créer une filiale dans un paradis fiscal ? Ou encore ouvrir un atelier là où la confection textile ne coûte que 15 centimes par pièce ? Toutes ces questions montrent une faillite des régulateurs, qui ont créé une sorte de Far West social et environnemental.

Pour sortir de cette violence économique, la coopération entre acteurs est-elle une solution ?

B. D. : La coopération est une notion prometteuse… mais aussi un piège. La coopération doit permettre d’aboutir à des règles communes. Le piège, c’est de coopérer seulement en remplaçant une règle obligatoire par un dialogue un peu « Bisounours ». Les acteurs centraux de toute forme de coopération doivent être les États, pour légiférer et créer un terrain de jeu commun à tous les acteurs économiques. Ils doivent améliorer le cadre de la libre concurrence pour ne pas détruire le patrimoine commun.

Biographie

Diplômé de l’IEP de Paris, volontaire en ONG durant plusieurs années, Blaise Desbordes a notamment travaillé comme conseiller au sein des ministères de l’Écologie et des Affaires Étrangères et a fait partie de l’équipe de la présidence française de la COP21. Il a été directeur du développement durable du groupe Caisse des Dépôts entre 2008 et 2012.

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

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