La France serait-elle enfin devenue la start-up nation dont l’Europe rêvait ? Dans son dernier rapport annuel Titans of Tech, la banque d’affaires GP Bullhound présente des chiffres réjouissants. Avec 4 nouvelles licornes apparues ces 12 derniers mois, la France fait partie des bons élèves européens – derrière le Royaume-Uni (8), l’Allemagne et Israël (6 chacun), intégré à l’étude. Surtout, elle fournit 20% des start-up identifiées par les auteurs comme les futures licornes. Et même 60% du top 10 de celles qui ont le plus de chances de voir leur valorisation dépasser le milliard de dollars sous peu. « Du jamais vu », confirme Guillaume Bonneton, partner de GP Bullhound, à la tête du bureau parisien.
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Pour autant, il ne faut pas se réjouir trop vite. D’abord, l’Hexagone reste loin de ce qu’on pourrait espérer d’un des poids lourds économiques européens. « La France représente 15% du PNB européen – si l’on inclut la Russie et Israël. Mais seulement 11% en nombre de licornes et 7% en valeur parce qu’en moyenne, ses licornes sont plus petites que les autres », souligne Guillaume Bonneton. L’expert estime ainsi qu’au regard de son poids économique, la France devrait héberger « 15 à 20% » des licornes européennes.
Surtout, elle ne peut encore rivaliser avec les premiers de cordée mondiaux que sont les États-Unis ou la Chine. Même dans des secteurs où elle est traditionnellement performante, comme l’intelligence artificielle. « On se réjouit de la levée de fonds de Mistral AI [qui a rassemblé 105 millions d’euros, NDLR] mais pendant ce temps, les entreprises américaines signent des contrats qui se comptent en milliards. Il faut savoir raison garder : nous n’avons pas créé de géant. Oui, la France est correctement positionnée mais par rapport aux États-Unis où à la Chine, nous sommes encore des nains. »
Poids lourd européen, poids plume mondial
L’Hexagone peut néanmoins compter sur quelques signaux positifs pour l’avenir. À commencer par un écosystème financier « qui s’est considérablement professionnalisé ces dernières années ». Et contribue ainsi à faire grandir avec lui les start-up qu’il accompagne. Le plan Tibi 2 qui vient d’être annoncé devrait encore nourrir les fonds français et européens. Parallèlement, les fonds asiatiques et américains s’intéressent de plus près aux pépites tricolores. Sans que cela ne remette en cause la souveraineté technologique européenne, juge Guillaume Bonneton. « Ces acteurs n’ont pas vocation à prendre le contrôle des entreprises. »
La France pourra aussi profiter de la bonne dynamique européenne dans la vague de consolidations à venir. « Il existe aujourd’hui plus d’acheteurs européens potentiels qu’il n’y en a jamais eu », note le banquier d’affaires. Davantage d’entreprises pourraient donc se laisser tenter par des rachats, dans une période où les levées de fonds ne sont pas légion. « Elles prennent le contrepied de l’idée de devenir leader soi-même. Et préfèrent s’adosser à un autre acteur européen pour bâtir un leader continental. » La France pourrait ainsi prendre une longueur d’avance sur ses concurrents européens.
Sans que cela ne soit déterminant d’un point de vue mondial : « la France grapille des parts de marché au niveau européen… mais est-ce que l’Europe gagne des parts de marché au niveau international ? », s’interroge ainsi Guillaume Bonneton.