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Défense et sécurité : faut-il s’inquiéter des appétits américains pour les start-up stratégiques françaises ?

Des pièces d'échec noires et blanches
© George Becker via Pexels

Dans les secteurs les plus sensibles, l’État s’applique à s’assurer que les entreprises les plus stratégiques ne tombent pas entre les mains de concurrents menaçants. En effet, des fonds d’investissement étrangers lorgnent régulièrement des pépites dont le développement devient un enjeu de sécurité.

La nouvelle, révélée en octobre 2021 par Les Échos, avait fait le tour des médias : In-Q-Tel, le fonds d’investissement de l’Agence centrale de renseignement, la CIA, avait pris des parts d’une start-up française, Prophesee. La mythique agence de renseignement américaine a investi – dans le plus grand secret – dans cette pépite tricolore qui fabrique des rétines artificielles plus performantes que des caméras.

Cette affaire illustre la difficulté que peuvent avoir les entreprises opérant dans des domaines moins séduisants pour les grands investisseurs classiques, tout en restant stratégiques. « Le secteur financier ne s’oriente pas spontanément vers les start-up stratégiques, constate François Mattens, responsable de l’accélérateur Generate, spécialisé dans la défense et la sécurité. C’est un secteur très réglementé, très cloisonné. Difficile pour un investisseur d’accepter des contraintes comme l’interdiction de revendre à certains États. »

Les technologies qui intéressent les militaires, même si elles sont aussi intéressantes pour le civil, restent largement boudées des grands investisseurs. Les perspectives de retour sur investissement sont plus lentes, les réglementations plus contraignantes et il y a souvent la crainte d’un risque-image.

Les armes financières de la France

Face à ce phénomène, le ministère des Armées s’est associé à BPI France Investissement pour lancer deux fonds d’investissement. Le premier, Definvest, créé en novembre 2017, mobilisera à terme une centaine de millions d’euros pour accompagner jusqu’à une vingtaine de start-up. Le second, le Fonds Innovation Défense, actif depuis décembre 2020, est doté de 400 millions et doit soutenir des entreprises plus établies, des scale-up qui ont besoin d’appui pour changer d’échelle.

« Il s’agit d’outils supplémentaires, résume Nicolas Berdou, investisseur expert défense pour BPI et le ministère des Armées. Ils n’ont pas été déployés pour protéger ou mettre sous cocon ces entreprises, mais pour leur permettre de se développer. » Des dispositifs qui s’ajoutent à divers financements de la recherche et de l’innovation déployés depuis des années.

Ce sont aussi des moyens de dissuader les entreprises d’aller chercher des capitaux chez des investisseurs de pays concurrents. « Qui dit prise de participation, dit fort engagement. C’est un gage de sérieux. Et de ce fait, la société n’a plus besoin d’aller chercher des fonds ailleurs », estime Nicolas Berdou.

Une géopolitique financière déséquilibrée

Dans le secteur, on s’inquiète beaucoup des ambitions de deux pays, en comparaison desquels les moyens français sont bien modestes : la Chine et les États-Unis. Le premier reste très discret sur ses stratégies d’investissement. Les Américains, en revanche, n’hésitent pas à afficher leurs fonds, leurs stratégies et leurs success stories. Il faut dire qu’ils ont de l’avance : depuis la fin des années 1990, les différentes administrations américaines ont lancé plus d’une centaine fonds différents qui injectent des centaines de millions de dollars dans l’innovation.

Faut-il s’inquiéter lorsque l’une de ces puissances étrangères s’aventure sur des terres européennes ? Une crainte perdure de voir des technologies clefs développées selon les priorités d’autres États. « Moi, je ne les ai jamais croisés, tempère Nicolas Berdou. Il y a beaucoup de fantasmes et on oublie qu’en France, il y a une réglementation sur les investissements étrangers. Un actionnaire, ce n’est pas quelqu’un qui va entrer dans votre bureau, brancher son ordinateur et piquer toutes les technologies. »

Pour les États-Unis, il s’agit surtout de doper l’innovation et le développement de leurs espoirs nationaux pour aller à la conquête des marchés mondiaux avec un avantage concurrentiel le plus solide possible. En attendant de proposer plus d’opportunités aux entrepreneurs français dans ce domaine, difficile de leur demander de renoncer à de telles opportunités : « Les Américains ont des vrais arguments, admet François Mattens. Ils ont une vraie force de frappe et de gros carnets d’adresses. Répondre avec des cocoricos ne suffit pas. Si une start-up a le choix entre mourir le drapeau à la main ou se développer à l’international, la décision est souvent évidente. « 

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

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