À l’origine du projet, un certain désarroi. Le monde du venture capital est opaque. Y entrer relève du défi pour la jeune génération : peu importe le cursus suivi en études supérieures, il est peu probable que des cours sur le sujet soient dispensés. C’est dans l’optique de le démocratiser et le rendre plus transparent que plusieurs jeunes gens se sont mobilisés et ont créé en 2019 une communauté d’entraide. Son petit nom ? Baby vc. Bootcamps, réseau, événements… Cette association, qui s’attaque désormais à l’international, permet de comprendre les ambitions de la nouvelle génération, entre espoirs et frustrations.
Partager la connaissance
Guillaume Laheurte, analyste chez EDF Pulse Ventures, est aujourd’hui vice-président de l’association. Quand on l’interroge sur l’objectif de baby vc, il insiste sur « le transfert de connaissances ». « Les bootcamps ont lieu une fois par semaine pendant 9 semaines. Chaque séance accueille 20 personnes. Nous couvrons à chaque fois l’un des segments de la vie d’un VC : comment construire un fonds, quels sont les processus des deals, etc. » Le point fort de ces temps partagés : accueillir les retours de personnes qui viennent du milieu « et que l’on ne trouve pas dans les livres ». « Ils ont une vision macro de ce qu’il se passe, leur propre jargon, une expérience solide, et ils viennent l’apporter à nos étudiants. Ils sont directement intégrés au projet, ils l’appréhendent de l’intérieur », poursuit Amicie Favre, analyste chez Eurazeo et présidente de l’association.
Favoriser la diversité
En sélectionnant les membres de baby vc non pas sur la base de leurs études mais de leur appétence pour le métier, Amicie Favre et Guillaume Laheurte espèrent apporter une certaine forme de diversité à l’écosystème. « Nous ne sélectionnons pas que les profils qui viennent de grandes écoles. Nous cherchons avant tout des personnes passionnées, motivées », insiste Guillaume Laheurte. Car au sein des fonds, les rares places disponibles sont quasiment exclusivement « réservées » aux profils issus de l’ESSEC, HEC, l’ESCP ou Dauphine. « Les meilleures écoles dominent, constate Amicie Favre. Nous souhaitons mettre sur le devant de la scène des profils plus divers, mais dont les compétences et la motivation ne font pas défaut. En s’adressant à des étudiants qui ne sont pas encore diplômés, nous pouvons avoir une influence sur leur exposition à l’écosystème, leur donner les outils pour mettre en valeur leur profil », espère-t-elle. L’un des outils pensés pour cela est une newsletter externe. « Cela permet d’exercer les étudiants qui créent le contenu, mais aussi de les exposer à l’écosystème », se réjouit Guillaume Laheurte.
Le projet étant collaboratif, les 20 candidatures sélectionnées (sur les 200 soumises pour chaque promo) doivent sortir du lot par les initiatives qu’elles proposent. « Des profils plus divers garantissent des regards plus riches sur le monde. L’innovation est un sujet tellement complexe qu’il faut essayer de se rapprocher de cette complexité en matière de représentation », estime Amicie Favre. Intégrer des femmes dans un milieu très genré, des profils issus d’écoles moins « prestigieuses » ou de milieux moins standardisés, « cela permet de mieux cerner les enjeux actuels. C’est un défi stratégique et de performance, qui est valable dans l’univers du VC mais aussi de l’emploi en général. Le temps est à l’intelligence collective, l’écosystème sortirait grandi de plus de diversité. »
Vers plus d’impact ?
Parmi les nouveautés à venir, qui traduisent aussi les ambitions de la nouvelle génération, un bootcamp dédié à l’impact. « Ce qui caractérise notre génération, ce sont des intérêts différents de celle qui nous précède », avance Amicie Favre. L’impact va-t-il infuser au cœur du métier ? Difficile à dire. « Le rôle d’un VC est d’être aux aguets de toute innovation. Certes cela peut venir de l’impact, et c’est tant mieux, mais ce n’est pas garanti. » Guillaume Laheurte note toutefois une « tendance de marché » qui s’oriente vers les solutions et innovations green, par exemple.
Se pose aussi la question du fonctionnement. « Le modèle très capitaliste du VC est-il en train de changer ? » s’interroge Amicie Favre au prisme des nouveaux modèles des fonds spécialisés sur l’impact, « qui intègrent des critères exclusifs ou éliminatoires, ou imposent des grilles ESG. » Elle note à ce titre qu’Eurazeo intègre une grille spécifique pour les « female founders », c’est-à-dire les projets dont les fondatrices sont des femmes. « Le métier n’a pas changé, sa mission première est toujours le rendement. Mais je pense que nous allons assister à des modèles qui cohabitent, et à l’émergence de profils qui repensent l’économie et son impact. »
Doit-on s’attendre à ce que les modèles alternatifs, chers à la prochaine génération de VC, s’imposent ? « Pas tout de suite, tempère Amicie Favre. Tous les partners appartiennent à l’ancienne génération. Il faudra attendre quelques années avant de voir s’il s’agit d’un effet de mode ou d’une tendance de fond, sociétale. Mais à l’heure actuelle, rendre l’économie plus circulaire est une préoccupation réelle. »