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Philippe Laval (Jolt Capital) : « Grâce à notre IA de sourcing, nous entrons au capital d’entreprises que personne d’autre ne voit »

L’abondance d’argent dans la place a accru la concurrence entre fonds d’investissement. Pour se distinguer, Jolt a fait le choix de développer son propre outil de sourcing et de qualification des dossiers.

Philippe Laval est Chief Technology Officer (CTO) du fonds d’investissement Jolt Capital. Ce dernier investit dans des sociétés européennes de deeptech B2B présentant un chiffre d’affaires entre 10 et 100 millions d’euros, à l’instar de Sinequa ou Vectaury qui font partie de son portefeuille. Jolt Capital a développé sa propre solution de veille et de gestion des dossiers, Ninja.

Quelles tâches souhaitiez-vous confier à un outil technologique ?

Philippe Laval : Jolt avait besoin d’une solution pour automatiser trois aspects clés du métier d’investisseur. D’abord le sourcing, afin de trouver les pistes d’investissement que les autres fonds ne voient pas. Puis le partage de connaissances à l’intérieur de la société de gestion, avec des process digitalisés, notamment dans l’optique de pouvoir créer rapidement des fonds verticaux si nous repérons des opportunités. Et enfin donner des outils aux investisseurs pour accélérer les due diligences.

Pourquoi avoir fait le choix de développer votre propre outil ?

P.L. : En 2017, quand on s’est penché sur la question, on s’était juré de ne pas développer d’outil interne ! Le problème, c’est qu’en matière de private equity et de venture capital, il n’existe pas de règles pour faire la meilleure opération et les solutions sur le marché n’intégraient donc pas les critères que nous, chez Jolt, estimions primordiaux. Pour que le système fonctionne, notre outil devait capturer toutes les décisions des investisseurs, depuis les entreprises avec lesquelles ils avaient le moindre contact jusqu’à leurs décisions d’investissement, en passant par les documents qu’ils recevaient. Les équipes devaient vivre au quotidien dans la solution, à la manière d’une boîte mail : ce devait être le premier outil que les investisseurs ouvraient le matin et le dernier qu’ils fermaient le soir. Il n’y avait pas grand-chose sur le marché, avec une intégration suffisamment naturelle à nos outils, pour qu’on soit certain qu’ils s’en serviraient. Nous avons donc développé notre propre système, baptisé Ninja, et nous avons aujourd’hui une équipe dédiée, avec quatre développeurs à temps plein et quatre autres qui travaillent pour nous depuis l’Asie.

Quels avantages concurrentiels cela vous donne-t-il sur d’autres fonds ?

P.L. : D’abord, notre outil nous permet d’avoir un dealflow (des dossiers candidats à un investissement, NDLR) entièrement propriétaire, qui ne soit pas fourni par des tiers : nous ne dépendons pas de banquiers ou d’apporteurs d’affaires. Nous entrons au capital d’entreprises que personne d’autre ne voit, parce qu’elles ont levé peu d’argent, avec des acteurs locaux et ne sont pas dans les circuits traditionnels du private equity. Il n’y a pas ou peu de concurrence sur les opérations que nous réalisons, il n’y a donc pas de pression de temps, c’est plus facile pour nous de déployer notre proposition de valeur. Et de payer le prix qui correspond réellement à la valeur de l’entreprise. Beaucoup d’opérations dans le secteur sont réalisées avec des sociétés intéressantes mais que tout le monde connaît et dans lesquelles tout le monde veut entrer, ce qui provoque une inflation des valorisations. Grâce à Ninja, nous étudions aussi beaucoup plus de dossiers que d’autres fonds, avec seulement 5 partners investisseurs. L’idée n’est pas d’être sûrs que nous soyons informés de 100% des dossiers intéressants mais d’en avoir suffisamment de deals de très bonne qualité à notre disposition pour nous permettre d’être très sélectifs, choisir les quelques investissements qu’on va réaliser en toute confiance, au bon prix. C’est comme le référencement sur Google : ce qui importe, c’est la qualité de la première page de résultats.

Concrètement, que fait Ninja ?

P.L. : Aujourd’hui, Ninja agrège des informations de sources ouvertes ou semi-ouvertes (les sites des entreprises, les réseaux sociaux, les bases de brevets, les flux de communiqués de presse…). Il les stocke dans une base qui compte actuellement 2 millions d’entreprises, dont 20 000 ont été qualifiées par nos investisseurs. La solution transforme ces infos en fiches synthétiques résumant les sommes levées, la croissance des effectifs, une description de son activité, les brevets qu’elle possède ou encore les profils du top management, mais aussi en rapports d’analyse qui couvrent la propriété intellectuelle, l’univers concurrentiel et le positionnement de l’entreprise par rapport aux grands groupes de son secteur. Grâce au machine learning, Ninja attribue aux entreprises un indice d’attractivité pour Jolt, afin que seules les entreprises les plus intéressantes – selon les critères de notre fonds – soient présentées aux investisseurs.

Ninja a-t-il vocation à remplacer les investisseurs ?

P.L. : L’idée n’était pas de créer un investisseur automatique mais d’avoir la possibilité de faire passer notre société de gestion à l’échelle. Pour cela, nous avions le choix entre engager des centaines de juniors et nous doter d’outils puissants d’intelligence artificielle pour que les investisseurs soient en prise directe avec le marché. Nous avons opté pour la deuxième solution. Et ça marche : au départ, en 2018, les investisseurs ne retenaient que 5% des dossiers présentés par Ninja. Aujourd’hui, ils en retiennent 80%. La solution leur permet donc d’avoir une meilleure connaissance des sociétés avant même de les rencontrer et de pouvoir se concentrer sur la construction d’un modèle économique commun, la vérification de l’alignement des valeurs avec l’équipe. Ninja leur libère du temps pour vraiment faire leur métier.

Biographie

Philippe Laval est chief technology officer (CTO) du fonds d’investissement Jolt Capital depuis 2017. Avant cela, il avait fondé deux entreprises : Sinequa, une société spécialisée dans la recherche intelligente de données d’entreprise, et Evercontact, service pour optimiser les carnets de contacts et CRM. Il est docteur en intelligence artificielle et a réalisé des recherches sur le traitement automatique du langage naturel (NLP).

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

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