C’est la désillusion pour le secteur, pourtant encore jeune, de la finance verte. Dans son dernier rapport sur la stabilité financière dans le monde, publié en octobre 2021, le Fonds monétaire international (FMI) a rappelé que si « l’investissement durable était un moteur de la transition vers une économie verte », l’écosystème était « restreint » et laissait les gestionnaires de fonds face à « de nombreux défis ». Le FMI met notamment en garde contre le « risque de greenwashing des entreprises » ou l’absence de « taxonomie mondialement acceptée« .
Un signal qui résonne particulièrement en France où le label « investissement socialement responsable » (ISR), est largement critiqué depuis sa création en 2016, justement sur ces deux plans. Les fonds labellisés s’appuient sur les critères ESG (économie, social et de gouvernance) des entreprises émettrices, elles même notées par des agences privées, sans consensus sur la méthodologie de notation. En conséquence, ce label ne garantit que très rarement un investissement vert. Selon l’ONG Reclaim Finance, 94% des fonds ISR financent en réalité des entreprises ayant un « impact nocif pour la planète ».
Durcir les règles
En mars 2021, à la suite d’un rapport cinglant de l’Inspection des finances sur le sujet, le gouvernement, qui a la responsabilité du label, a lancé une vaste réforme. L’initiative a entraîné, le 11 octobre, la naissance d’un nouveau comité de 13 membres en charge du label ISR. Nicole Notat, la présidente historique a été remplacée par Michèle Pappalardo, énarque qui fut notamment directrice de cabinet de Nicolas Hulot lors de son passage au ministère de la Transition écologique.
Les orientations de réforme n’ont pas encore été divulguées mais pour Olivia Blanchard, présidente de l’association des Acteurs de la finance responsable (AFR), la nouvelle composition semble prometteuse : « On compte un peu moins de représentants de sociétés de gestion au profit d’acteurs plus diversifiés, dont des métiers plus proches des épargnants. »
À l’en croire, abandonner complétement l’ISR n’était pas une option. « Tout recommencer à zéro serait contre-productif. L’ISR représente près de 800 fonds pour un encours de de 600 milliards d’euros : c’est loin d’être négligeable », explique celle qui appelle désormais le nouveau comité à durcir la réglementation pour mieux flécher les investissements en allant jusqu’à exclure les secteurs pétroliers et gaziers, qu’ils soient conventionnels ou non.
Créer de nouveaux outils
Pour Anuschka Hilke, directrice de programme financier pour l’Institute for Climate Economics (I4CE), il faudrait au contraire profiter de cet échec pour penser de nouveaux outils agissant à l’échelle de l’économie réelle. « Le problème avec les produits d’épargne comme le label ISR, c’est que le financement est fléché vers des entreprises qui ont des activités diverses, écologiques ou non, et pas vers un projet particulier. On a du mal à faire le lien avec le supposé impact positif », explique-t-elle.
Pour obtenir plus de lisibilité, elle milite pour la création d’un « label des entreprises en transition ». Ce serait alors à une autorité indépendante d’estimer quelle entreprise a adopté, ou non, une politique de transition écologique à moyen ou long terme. Un tel outil, qui n’existe pas à l’heure actuelle, permettrait aux fonds d’investissement de proposer des produits d’épargne entièrement fléchés vers ces « entreprises en transition ». En somme, ce ne serait pas le fonds d’investissement qui serait labellisé pour sa méthode de sélection mais directement les entreprises vers lesquelles les capitaux sont réinvestis ».
Une solution qui, selon Anuschka Hilke, aurait le double avantage de « permettre aux épargnants d’avoir le cœur net que leur argent finance des entreprises vertueuses et aux acteurs financiers d’identifier les entreprises qui, en ayant un projet de long terme, sont plus résilientes et présentent donc moins de risques. »