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La nouvelle fiscalité des « management packages » pourrait freiner les start-up françaises

Une licorne en porcelaine devant des tas de petites pièces
© Annie Spratt via Unsplash

Par trois arrêts publiés au cœur de l’été, la plus haute juridiction administrative française s’est penchée sur la fiscalité applicable aux "management packages", proposés aux dirigeants et managers dans certaines entreprises. Ce positionnement du Conseil d’État pourrait avoir des conséquences majeures.

Les arrêts du Conseil d’État publiés le 13 juillet font l’effet d’un petit séisme juridique. La plus haute juridiction administrative française s’est penchée sur la question des « management packages« . Ces dispositifs originaires des États-Unis et développés en France depuis une vingtaine d’années permettent d’aligner les intérêts des dirigeants dans une entreprise à celui des actionnaires en les associant directement et financièrement à la réussite d’une opération.

Face à l’insécurité juridique découlant de ces décisions du Conseil d’État, un amendement a été proposé par le député LaREM Philippe Latombe à l’Assemblée nationale début octobre dans le cadre du projet de loi de finances 2022. Cet amendement devait permettre une sécurisation au préalable de ces opérations, qui, suite aux décisions du Conseil d’État, ne permettent pas de prendre en compte d’éventuelles perspectives de pertes pour qualifier les gains. Or, d’après Philippe Latombe, l’existence même d’un risque de perte associé à un gain devrait exclure celui-ci de toute nature salariale.

L’amendement été rejeté en Commission des finances, mais Laurent Saint-Martin, rapporteur général LaREM, a tenu à rappeler que « les acteurs de la place ne sont pas tous d’accord sur la réponse à apporter. » Et celui-ci d’indiquer que l’amendement pourrait être rediscuté en séance publique afin que le gouvernement puisse proposer un groupe de travail sur la question.

Contrer des énergies spéculatives

Concrètement, des sociétés offrent à leurs cadres dirigeants des régimes d’intéressement à l’instar des Bons Autonomes de souscription d’action (BSA). Proposés à des prix préférentiels, ils permettent à leurs bénéficiaires une potentielle (et importante) plus-value lorsque la société est vendue ou entre en bourse, par exemple. Cela crée une sorte de double avantage, à l’entrée comme à la sortie, aux yeux de l’administration. Le Conseil d’État estime désormais que les gains tirés du « management package » doivent être imposés comme des « traitements et salaires » et non plus comme des « plus-values de cession de valeurs mobilières » si les concernés en ont bénéficié en contrepartie des fonctions qu’ils exercent dans l’entreprise. Pour soutenir les mesures, la rapporteure publique au Conseil d’État assimile les instruments de package à des « mécanismes visant à insuffler chez les dirigeants sociaux d’une entreprise, une énergie passionnée comparable à celle d’un spéculateur. » Un argument que rejette Pierre-Arthur Chatard, consultant en stratégie, passé par les cabinets Roland Berger et Alvarez & Marsal. Il a aussi œuvré en start-up (Proprioo), un univers particulièrement friand de ces dispositifs, qui évoque une « vision un peu caricaturale ». Pour Yann Le Viavant, avocat et docteur en droit fiscal, « l’institution a voulu apporter une clarification et assurer une sécurité juridique pour l’avenir. »

Qu’est-ce que cela représente concrètement ?

Aujourd’hui, le salaire est taxé au barème de l’impôt sur le revenu qui va de la tranche 1 (0%) à la tranche 5 (45%). Il est soumis aux prélèvements sociaux avec une CSG à 9,2% et la CRDS à 0,5% (dont une partie est déductible), auxquels s’ajoutent les cotisations sociales. De son côté, la plus-value est taxée au taux de 30% aujourd’hui (17,2% de prélèvements, 12,8% d’impôts). S’il y a bien sûr toujours des exceptions et cas particuliers, la plus-value est taxée plus favorablement dès lors qu’il n’y a pas de cotisations sociales.

Des obstacles pour attirer les talents

Ces nouveautés ne sont pas toujours bien perçues par les premiers concernés, étant parfois jugées contre-productives. C’est l’avis de Pierre-Arthur Chatard. « Ce mécanisme d’actions est une incitation importante pour attirer des talents et leur proposer une rémunération attractive en cas de succès de l’entreprise. Dans une start-up, le cash est précieux et investi dans les projets de développement. Les BSPCE permettent une rémunération intéressante lorsqu’un événement de liquidité se produit. Un tel changement de fiscalité impacte la proposition de valeur » déplore-t-il. Concernant le risque que l’administration vienne contrôler dans le délai normal de prescription de trois ans les opérations en cours sur la question des plus-values de « sortie « , Yann Le Viavant alerte : « Pour les négociations à venir, les intéressés ont tout intérêt à réfléchir sur la fiscalisation du dénouement en fonction de cette jurisprudence, et d’adapter en fonction. »

En outre, deux des trois décisions du Conseil d’État portent dans le détail sur des schémas de transmission d’entreprise en « LBO ». Cette opération financière, qu’on peut traduire par « achat par effet de levier », consiste à racheter une société via un mécanisme d’endettement important. Pierre-Arthur Chatard rappelle la période bien particulière que traverse actuellement le pays : « La France vit un moment important du développement de son écosystème start-up, largement soutenu et encouragé par l’État. » Et le consultant de conclure : « Le moment ne me semble pas bien choisi. Ce n’est pas quand l’avion décolle qu’il faut couper les réacteurs. »

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

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