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Les marques doivent-elles s’emparer de sujets de société ? Raphaël LLorca alerte sur les dérives 

Un logo "love" utilisant la typologie de Coca-Cola et comprenant le drapeau LGBTQIA+
© petekarici via iStock

Le discours politique ne réussit pas à s’emparer des sujets qui façonnent la société ? Les marques prennent la relève. Avec quelques risques de dérive.

Qui raconte la France ? Certainement pas les politiques, rétorque la population. La voie est donc libre pour les entreprises, qui s’emparent, à travers leur communication, de sujets de société qui étaient jusqu’ici réservés à celles et ceux qui nous gouvernent. C’est, en tout cas, le constat de Raphaël LLorca. Dans son ouvrage Le roman national des marques (éd. L’Aube), ce communicant de métier, co-fondateur de l’observatoire « Marques, imaginaires de consommation et politique » à la Fondation Jean Jaurès, étudie le discours des marques et leur influence sur nos quotidiens.

RSE : les marques tournent en rond

Le point de départ de son livre ? Un constat : le discours autour de l’engagement des marques semble tourner en rond. « Je l’ai vu de l’intérieur, quand je travaillais en agence, notamment sur les sujets de la raison d’être. Au fond, tout a été dit, y compris sur les dangers et les dérives », explique l’auteur. Le résultat, c’est que les marques vont un cran plus loin dans leur discours et s’attèlent à défendre leur propre vision du monde et de la société. « L’objectif est d’engager, pas d’être consensuel », précise Raphaël LLorca. C’est ce qui explique que les marques s’emparent de sujets de société de plusieurs façons.

Communiquer pour pallier les faiblesses du discours politique

D’un côté, Raphaël LLorca identifie les « porte-voix », ces marques qui portent sur le devant de la scène des sujets invisibilisés dans le discours public mais qui correspondent à de vraies préoccupations. « Par exemple, il a fallu que Carrefour reconnaisse l’endométriose comme maladie professionnelle pour que le sujet fasse la Une des médias – alors qu’Emmanuel Macron avait annoncé un plan national, sans que rien ne se passe. »

Ensuite, il identifie les « lampistes ». « C’est la capacité des marques à rééclairer le réel. » En d’autres termes : les entreprises montrent les différentes facettes d’une réalité. L’expert cite l’exemple de la société de VTC Heetch, qui, dans ses spots, contre les visions misérabilistes et stigmatisantes des banlieues.

Enfin viennent les « adoucissants », ces discours de marques qui s’emparent de sujets anxiogènes ou polarisants de façon à desserrer le nœud par l’humour, par exemple. « Derrière l’exercice de communication, cela montre que les marques se positionnent en miroir des faiblesses du politique », analyse Raphaël LLorca.

Intérêt général vs concurrence déloyale

Faut-il se réjouir de cette dynamique ? « Je fais partie de ceux qui croient encore à la prééminence du politique. Or il y a une forme de concurrence déloyale qui s’instaure entre les marques et le politique, ce qui m’inquiète – malgré les effets positifs de ce type de discours en matière d’intérêt général » confesse Raphaël LLorca. Le danger selon lui : une forme de simplification de sujets de société compliqués à traiter. « C’est dangereux de faire croire aux gens que l’on règle l’inflation en appuyant sur un bouton. La politique prend du temps, et il ne faut pas que le discours marchand désacculture le citoyen aux exigences requises par la démocratie. » Résultat : les politiques « se ringardisent » parfois en rebondissant trop tard ou pas assez fortement sur les sujets préemptés par les entreprises.

Par ailleurs, cela confère aux entreprises une nouvelle forme de responsabilité. « Elles sont désormais un lieu où se modifient les imaginaires. Et où de nouveaux pactes se créent avec les équipes. Une entreprise qui prend une position forte sur un sujet de société s’engage envers ses salariés. Il y a une forme d’alignement holistique. »

S’emparer des sujets de société… d’une certaine partie de la population

Ce que les entreprises ne parviennent pas à faire, c’est de s’emparer de sujets qui touchent la population… en-dehors de Paris. « Mon livre s’appuie sur une enquête d’opinion menée par l’Ifop pour la Fondation Jean Jaurès. Elle révèle que les Français considèrent que le discours des marques est parisiano-centré », dévoile l’auteur. Le tout, à travers des situations stéréotypées et peu diverses. « Cela dit, il s’agit de critiques qui sont aussi adressées au monde politique », conclut-il.

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

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