Mettre un terme à la dégradation des écosystèmes et les restaurer, c’est le thème de la Décennie des Nations Unies. Il s’agit d’atteindre d’ici 2030 les objectifs de développement durable énoncés par les scientifiques pour « éviter des changements climatiques catastrophiques« . Le défi est de taille, puisqu’il faudrait réussir à restaurer 100 millions d’hectares chaque année pour y parvenir. Or les actions menées actuellement par les ONG de terrain ne permettent d’en restaurer que 5 millions par an.
Pourtant les gouvernements ont conscience des enjeux, et les obligations se multiplient à travers le monde. En juillet 2023, le Parlement européen a par exemple adopté la loi européenne sur la restauration de la nature. Le texte prévoit une restauration de 20% des zones terrestres et maritimes des pays de l’Union européenne. Des contraintes qui ne suffisent pas à pallier le manque de moyens technologiques (et parfois de volonté) des acteurs concernés.
Passer à l’échelle
C’est ici que l’innovation de Morfo entre en jeu. Aujourd’hui, l’entreprise est composée d’une équipe de 40 personnes. Mais à l’origine, Morfo, c’est le projet de 2 frangins et un copain, que leur enfance passée en Guyane française a forcément sensibilisés aux enjeux liés à la préservation de la biodiversité. « C’est pourquoi nous avons développé une solution qui permet de restaurer l’écosystème forestier à grande échelle », affirme Pascal Asselin, l’un des cofondateurs de Morfo.
La tâche n’est pas aisée : il ne s’agit pas de se contenter de planter des arbres, mais de considérer la biodiversité d’un écosystème dans son ensemble et d’inclure les populations locales dans les projets. Le tout au service d’industriels qui subissent de fortes contraintes réglementaires et d’ONG déjà missionnées mais n’ayant pas forcément la capacité opérationnelle de se lancer. Mais pas question de travailler avec des acteurs qui n’auraient aucune conscience du problème. « Ça ne sert à rien de reforester si on continue de couper 2 fois plus d’arbres à côté. »
Des capsules technologiques et des drones au service de la nature
Tout commence par une phase poussée de R&D, qui consiste à étudier les écosystèmes dans leur ensemble, des arbres aux herbes en passant par les graminées. C’est en analysant les interactions entre les plantes et les sols que les équipes ont pu développer leur innovation, une sorte de « bille » qui encapsule une graine, la protège et contient les éléments nécessaires à l’enrichissement des sols. Ces capsules sont ensuite confiées à des drones de plantation, qui opèrent avec précision.
Le travail de Morfo ne s’arrête pas là. « Nous nous assurons de la bonne croissance de la forêt, de la croissance de la biomasse. Nous en déduisons avec précision le stockage de carbone qui sera permis à terme », explique Pascal Asselin.
Réconcilier science, projets longs… et fonds
Pour que le projet fonctionne, Morfo ne révolutionne pas le système existant mais s’y intègre. « C’est la seule façon d’avoir le plus d’impact possible », estime son co-fondateur. C’est aussi, d’après lui, ce qui a permis à l’entreprise de lever des fonds. « Nous alignons les planètes : la science d’un côté, le social de l’autre et la finance au milieu. » Ce qui a séduit les investisseurs ? « Nous travaillons sur des forêts qui seront matures d’ici 15 ou 30 ans. Les temporalités ne sont pas exactement celles des fonds… C’est pour cela que nous facturons nos clients à chaque étape, précise Pascal Asselin. Nous facturons d’abord le diagnostic du terrain pour comprendre les sols, puis la plantation et enfin un suivi qui peut durer de 4 à 10 ans. »
Pour calculer le coût d’un projet, plusieurs variables : le nombre d’hectares à reforester mais aussi leur complexité (pentes, distance, etc.).
« L’idée, c’est qu’il n’y ait plus besoin de nous »
L’offre de Morfo s’inscrit dans un contexte climatique sous tension. « Et même s’il y a encore beaucoup de travail, l’idée c’est, à terme, qu’il n’y ait plus besoin de nous », projette Pascal Asselin. Est-ce que, dans un horizon proche, les industriels pourront intégrer en leur sein une solution équivalente ? « C’est possible – il y a un réel besoin de leur côté. Mais c’est aussi très complexe. Pour faire les choses bien, il faut une vision extérieure de l’activité, adopter une approche scientifique, et intégrer des chercheurs à l’équipe », conclut-il.