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Plastique : Danone face à la justice pour non-respect du devoir de vigilance

Deux pots de yaourt en plastique sur une place dont l'un est renversé
© Dolunay_Sara via iStock

En septembre 2022, 9 géants de l’agroalimentaire et de la distribution étaient mis en demeure. En cause : leur trop grande utilisation du plastique. Début 2023, seul Danone est assigné en justice.

Article initialement publié le 9 janvier 2023 et mis à jour le 10 janvier 2023

Vers une obligation de déplastification ? C’est ce que demandent les 3 ONG qui qui ont assigné Danone devant la justice le 9 janvier 2023 pour sa trop grande production de plastique. ClientEarth, Surfrider Foundation et Zero Waste France avaient mis en demeure Danone en septembre 2022, aux côtés d’Auchan, Carrefour, Casino, Lactalis, Les Mousquetaires, McDonald’s France, Nestlé France et Picard Surgelés. En s’appuyant sur la loi de 2017 relative au devoir de vigilance, qui impose aux entreprises d’adopter des plans de réduction des dommages environnementaux et des violations des droits de l’Homme, les ONG avaient exigé de ces entreprises qu’elles présentent des mesures concrètes de déplastification.

74 tours Eiffel de plastique

Certaines entreprises se sont montrées « bonnes élèves », à l’instar de Nestlé qui a écouté les demandes de la coalition, ou de Carrefour et les Mousquetaires qui ont ouvert le dialogue. Du côté de Danone, en revanche, les ONG auraient simplement « reçu une lettre qui entérine le statu quo », rapporte la porte-parole du mouvement Antidia Citores. L’entreprise se contenterait d’évoquer le sujet au prisme du recyclage des emballages. Or, sa proportion d’emballages réutilisables a reculé de 4,8% à 4,1% entre 2020 et 2021. En parallèle, sa production de plastique ne cesse d’augmenter : en 2020, le groupe a produit 716 000 tonnes d’emballages en plastique, et 750 000 tonnes en 2021 – soit l’équivalent de 74 tours Eiffel.

Une assignation stratégique

Pour Camille Fromentin, avocate en droit de l’environnement, le choix d’attaquer Danone est stratégique pour les ONG. « Le dernier plan de vigilance de Danone a été publié en mars 2022. On aurait pu penser que la coalition attendrait mars 2023, pour vérifier que la question du plastique était mieux considérée par le groupe. » Camille Fromentin rappelle aussi que, sans identification du risque présenté par le plastique, les ONG auront « plus de facilité » à prouver que l’obligation de vigilance n’est pas respectée, puisqu’elle n’est même pas mentionnée. « Autrement, il faudrait montrer une insuffisance, et c’est toujours plus compliqué. »

De leur côté, les équipes de Danone se disent « très surpris[es] » par la démarche, estimant que l’entreprise est une pionnière dans la gestion des risques environnementaux. Là encore, cela illustre la stratégie des ONG. Attaquer une entreprise qui communique régulièrement sur ses bonnes actions peut en effet avoir plus de poids que lorsque l’entreprise a mauvaise réputation. « Cela montre la limite des labels et certifications », note Camille Fromentin. Danone est en effet B-Corp. « Cela pose un réel problème que des entreprises qui ont rejoint la communauté sur une culture et une offre de valeurs qui s’opposent au ‘monde d’avant’ se retrouvent au même rang que des entreprises qui fabriquent des bouteilles en plastique. Le label devient parfois un outil marketing », regrettait déjà Gildas Bonnel, fondateur de l’agence Sidièse, à l’annonce du palmarès 2022 des entreprises labellisées.

Devoir de vigilance et plastique : une première

D’après le site de L’info durable, c’est la première fois qu’une entreprise est assignée en justice pour non-respect du devoir de vigilance à cause de sa production de plastique. En 2019, TotalEnergies était la première entreprise assignée en justice par des ONG lui reprochant ses chantiers Tilenga, un projet de forage de 419 puits de pétrole en Ouganda, et Eacop, le plus long oléoduc chauffé du mode. En 2020, EDF était assignée en justice pour son projet de parc éolien au Mexique. Mais Camille Fromentin rappelle que les procédures sont longues. « Pour l’instant, il n’y a eu aucune condamnation sur le fond. La majorité des discussions ont concerné la compétence du juge pour traiter de ce type d’affaires – juge civil ou juge commercial. Le législateur a finalement tranché cette question en attribuant cette compétence au juge judiciaire lors de l’adoption de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire du 22 décembre 2021. La première audience sur le fond a donc pu avoir lieu début décembre 2022 dans le cadre du contentieux Eacop. Le juge rendra sa première décision en matière de devoir de vigilance le 28 février prochain. »

Que risque donc, concrètement, Danone ? Dans le cas où le tribunal estimerait que Danone ne respecte pas son devoir de vigilance, « le juge peut enjoindre à l’entreprise de se mettre en conformité avec ses obligations sous astreinte. » Cela signifie que le groupe devra payer une certaine somme chaque jour jusqu’à ce qu’il soit en conformité. « Le texte de loi ne précise aucun montant, cela reste à la libre appréciation du juge », précise Camille Fromentin. Dans ce cas précis, les ONG réclament une astreinte de 100 000 euros par jour de retard. Dans la mesure où aucune décision de ce type n’a été prise jusqu’à présent, il est difficile d’avoir un réel recul sur cette somme.

Ce qui est certain, c’est que le fait de s’attaquer à un tel géant n’a rien d’anodin. « C’est un message fort envoyé à l’industrie. Engager des procédures demande du temps, des ressources humaines et financières. En attaquant un des principaux metteurs sur le marché d’emballages plastique, les ONG espèrent aussi certainement créer un effet d’entraînement pour les autres acteurs de la filière », conclut Camille Fromentin.

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

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