Le changement climatique inquiète les Français : à l’été 2020, en pleine épidémie de coronavirus, l’environnement et la transition écologique arrivaient en troisième place des sujets les plus importants pour la France, selon une étude réalisée par l’Agence de la transition écologique (Ademe) ; en octobre 2022, dans une nouvelle vague de la même enquête, le sujet est grimpé sur la deuxième place du podium, derrière la hausse des prix. Et les dirigeants des TPE-PME ne font pas exception. 80% des dirigeants interrogés par Bpifrance en 2020 considéraient que le changement climatique appelait – déjà – une réaction d’urgence et 86% se sentaient concernés par les objectifs mondiaux de baisse des émissions carbone. La banque publique d’investissement regrettait alors que « cette réaction de citoyen ne se traduise pas dans l’entreprise où les enjeux climatiques arriv(ai)ent en dernier dans les priorités des dirigeants ».
Depuis, du chemin a été parcouru. En parallèle de la Convention citoyenne s’est organisée une Convention des entreprises pour le climat (CEC), réunissant 150 dirigeants pour lister et tester les bonnes pratiques destinées à réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 tout en protégeant la biodiversité. Lors de la présentation de son rapport d’activité, la climatologue Valérie Masson-Delmotte, co-présidente du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), a salué le fait que les chefs d’entreprise prennent désormais « à bras le corps la charge mentale du changement climatique ».
Faire écho aux préoccupations des clients
Les entreprises s’adressant aux consommateurs n’ont pas vraiment le choix, ces derniers exigeant des gages de responsabilité environnementale de leur part. Selon le dernier baromètre Future Consumer Index, réalisé par EY, les consommateurs se préoccupant en priorité de la planète sont désormais les plus nombreux (29%), devant ceux privilégiant les prix bas (26%) et ceux cherchant une expérience inédite (23%). Ce segment de consommateurs bénéficie d’ailleurs de la plus forte hausse (+11 points) sur l’année 2021. 61% des Français disent aujourd’hui prendre en compte les critères de développement durable dans leurs achats, avec une préoccupation principalement environnementale – citée par plus de 80% des concernés.
Si elles veulent être en phase avec les nouvelles aspirations des consommateurs, les entreprises doivent donc montrer patte blanche… ou verte. Et présenter une véritable stratégie de réduction de leur empreinte environnementale pour éviter l’écueil du greenwashing.
« Les limites planétaires obligent à une forme de radicalité »
Aurélien Acquier, professeur à l’ESCP
D’autant que l’urgence de la situation impose des changements radicaux. « Il ne s’agit pas de faire moins mal la même chose », prévient Christophe Sempels, directeur général de l’école Lumia et engagé dans la CEC. « Nous ne pouvons plus nous contenter de réduire les impacts négatifs sur l’environnement mais viser les impacts positifs nets. » Et les entreprises les plus performantes sont particulièrement scrutées : « réduire son intensité carbone de 50% si l’activité est en croissance de 50%, en valeur absolue, cela n’a aucun impact », souligne l’entrepreneur.
Les dirigeants d’entreprises ont donc une double mission : engager leur entreprise dans la transition écologique et convaincre leurs équipes pour créer un effet démultiplicateur de leur action. « Il appartient aux entreprises d’embarquer leurs employés, leurs territoires et leur secteur économique », citoyen tiré au sort pour participer à la Convention citoyenne. Alexandra Mathiolon, directrice générale du groupe de travaux publics Serfim et investie dans la CEC, le reconnaît : être une entreprise engagée dans la transition énergétique dope « le sentiment de fierté des collaborateurs » et limite ainsi le turn-over des équipes en renforçant la marque employeur.
Limiter les risques financiers
Plus qu’un enjeu marketing, la question environnementale est devenue un enjeu financier pour les entreprises. En témoigne l’évolution de la perception du risque climatique par les dirigeants : dans l’étude CEO Survey, réalisée chaque année par le cabinet PwC, le changement climatique arrivait en 13ème position parmi les menaces les plus préoccupantes en 2020 ; il remontait à la 9ème position en 2021 et effectue une percée à la 4ème place cette année.
De fait, le changement climatique provoque « des risques majeurs d’approvisionnement en matières premières », rappelle Valérie Masson-Delmotte et les entreprises ont toujours un temps de retard sur le sujet. « Nous sommes habitués à une adaptation réactive : nous subissons un événement et nous nous préparons pour le moment où il se produira à nouveau. Il nous faut changer d’échelle pour anticiper le changement climatique. Chaque décision à prendre doit interroger le dirigeant : celle-ci va-t-elle réduire ou augmenter l’exposition de l’entreprise aux aléas climatiques ? »
Si performance économique et performance écologique des entreprises sont souvent décrites comme incompatibles, la Convention des entreprises pour le climat cherche à battre en brèche cette idée reçue. L’entreprise régénérative – c’est-à-dire destinée à régénérer le vivant, abîmé par les activités humaines – « contrebalance la performance par la robustesse », décrit ainsi Christophe Sempels, qui appelle ses homologues dirigeants à changer de prisme. Il vante ainsi, plutôt que la performance à court terme, la capacité de résilience et la pérennité des entreprises engagées pour l’environnement.