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Thomas Fauré (Whaller) : « Les gouvernements ont tort de privilégier l’efficacité à court terme à notre souveraineté numérique »

Thomas Fauré
© Whaller

De plus en plus de dirigeants militent en faveur d’une souveraineté numérique. Pourquoi celle-ci, plus que les autres ? Pour Thomas Fauré, porte-voix des anti-GAFAM, il n’est pas trop tard pour reprendre la main sur un domaine dont dépendent de nombreux secteurs.

Pourquoi parle-t-on autant de souveraineté numérique aujourd’hui ?

Thomas Fauré : La souveraineté, on en parle pour la réaffirmer. Parce qu’elle nous échappe. C’est ce qui se passe avec la souveraineté numérique : nous sommes dans une situation de dépendance aux technologies étrangères. La majorité des États dépendent des États-Unis ou de la Chine – même si certains, comme la Corée du Sud, Israël ou la Russie s’en sortent mieux. Ce phénomène n’est pas si récent, mais si nous en parlons autant en ce moment, c’est que ses impacts sont enfin perçus : perdre sur le terrain du numérique, c’est perdre sur le terrain de la défense, de l’alimentation, de l’industrie… car la technologie alimente tous les autres domaines. Et aujourd’hui, il n’est plus possible d’appuyer sur un bouton « off » qui nous permettrait de nous couper d’un fournisseur étranger.

Le sujet du moment, c’est le cloud. Peut-on encore reprendre la main ?

T. F. : J’entends souvent dire que « la messe est dite ». Mais je ne suis pas aussi défaitiste : au regard de l’Histoire moderne, l’avènement du numérique dans la technologie est extrêmement récent. Celui du cloud encore plus. Nous n’en sommes qu’à l’âge de pierre, et nous avons les talents et la capacité de créer des solutions qui pourraient rivaliser avec celles des GAFAM. Mais il est vrai que nous partons avec de sérieux handicaps : sans un soutien politique fort et assumé, il n’est pas possible de rivaliser.

Le gouvernement lui-même choisit les solutions des GAFAM : la question, au-delà du soutien aux technologies locales, n’est-elle pas celle de la performance ?

T. F. : Quand le gouvernement choisit Microsoft sans appel d’offre pour mettre sur pieds le Health Data Hub – qui est d’ailleurs en pause puisqu’il n’a pas obtenu l’autorisation de la Cnil pour héberger le SNDS, base principale du système national des données de santé -, il invoque en effet une meilleure efficacité. Mais cette logique nourrit un cercle vicieux. C’est vrai, les GAFAM proposent de meilleures solutions aujourd’hui. Mais on ne peut pas inverser la vapeur si l’on continue à choisir l’efficacité à court terme aux dépens de l’indépendance à long terme : si les politiques se mettaient enfin à choisir les solutions européennes, celles-ci pourraient rattraper leur retard. Par ailleurs, je ne suis pas certain que le fait de favoriser l’efficacité à court terme soit gagnante sur le long terme : cette réflexion ne prend pas en compte le nombre de sociétés rachetées par les États-Unis ou de nos chercheurs qui partent travailler dans la Silicon Valley.

Que risque-t-on, concrètement, à adopter les services numériques américains ?

T. F. : L’un des vrais enjeux, c’est le cloud. Aujourd’hui, quand la SNCF choisit les services d’Amazon, Renault et Carrefour ceux de Google… c’est une bonne partie de nos données que nous confions à des tiers. Toutes ces données permettent de nourrir des algorithmes et des programmes d’intelligence artificielle, et donc de les rendre plus performants. Si toutes les données de nos entreprises sont lisibles par les États-Unis, ils seront toujours plus forts que l’Europe. Dans le contexte actuel, c’est dangereux à plusieurs titres : nous ne sommes pas à l’abri d’une guerre entre les États-Unis et la Chine, ou qu’un gouvernement populiste prenne le pouvoir et décide de couper l’accès aux ressources. Un exemple : de nombreuses entreprises – et particuliers – dépendent des données GPS, autrement dit d’un système de positionnement par satellites américains. Heureusement, nous sommes en train de développer le nôtre en Europe avec Galileo. Il faudrait que nous ayons du recul sur l’ensemble des solutions étrangères et leur utilisation, que nous cartographions leurs implications, pour être capables de mesurer l’ampleur des conséquences qu’elles ont sur nos vies.

Biographie

Thomas Fauré est ingénieur (Centrale Lille). Il y a quelques années, alors que son beau-frère lui posait la question de savoir s’il devait ou non laisser son fils s’inscrire sur Facebook, Thomas Fauré se mit en tête d’agir plutôt que de commenter. Il coda et développa Whaller : un réseau qui incarne sa vision des réseaux sociaux. D’abord ingénieur chez Safran, passionné de code et de biométrie, il rejoint Polyconseil (Groupe Bolloré) en 2011, où il évoqua sa passion d’entreprendre et ses projets jusqu’à convaincre Vincent Bolloré d’investir dans Whaller. La start-up est née en 2013. Elle compte déjà plus de 175 000 utilisateurs pour environ 8 000 réseaux hébergés.

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

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