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Souveraineté : quels secteurs d’activité faut-il protéger en priorité ?

Quelqu'un en train de lier ensemble des éléments sur un tableau
© Alvaro Reyes via Unsplash

Quand on parle de souveraineté, c’est en général que l’on craint une crise. Une surveillance particulière s'impose pour les secteurs les plus stratégiques, sauf que ceux-si sont aussi mouvants. C’est ce qui rend leur identification et leur protection parfois difficiles.

« Si on parle autant de souveraineté aujourd’hui, c’est parce que nous passons totalement à côté du sujet » , s’agace l’économiste Christian Saint-Étienne, titulaire de la chaire d’économie industrielle au conservatoire national des Arts et Métiers. « Depuis 50 ans, l’Europe fait preuve de négligence sur la base que ‘tout peut s’acheter’ : si on ne fabrique pas, on peut acheter ailleurs. Mais la pandémie a montré les limites de ce raisonnement : les circuits peuvent se retrouver bloqués, et il faut alors faire face aux pénuries. » Une analyse partagée par l’avocat spécialisé en droit des affaires et en intelligence économique Olivier de Maison Rouge. « Avec la globalisation, nous pensions pouvoir créer des ‘entreprises sans usines' », rappelle-t-il en citant le rêve Serge Tchuruk, ancien président d’Alcatel.

Sortir de la logique qui vise à « acheter plutôt que produire »

La tendance se vérifie en France par étapes dès les années 70, sur fond de désindustrialisation. Une étude de l’Insee révélait que les années 80 ont été la décennie de l’externalisation pour les entreprises, mais que ce sont les années 2000 qui ont vraiment inversé la vapeur en matière de solde extérieur. De +10,5 milliards en 2000, il passe à -10,7 milliards en 2007, puis à -46,5 milliards d’euros en 2020, note l’Insee. Plusieurs causes sont identifiées, notamment le faible investissement en recherche et développement et la taille insuffisante du nombre d’entreprises exportatrices. Cette logique d’acheter ailleurs plutôt que de produire en France s’applique à tous les secteurs. « Prenons l’industrie agro-alimentaire. Nous avons, en France, les ressources pour exploiter la terre. Et pourtant nous produisons de moins en moins, et dépendons d’aliments essentiels venant de l’étranger. Nous pourrions par exemple cultiver du soja en France, mais nous achetons celui qui vient d’Amérique du Sud au nom de l’efficacité économique », constate, amer, l’économiste à l’université d’Angers David Cayla.

Organiser la souveraineté

Pour inverser la tendance, la première chose à faire serait de définir les domaines de souveraineté non négociables. Bien sûr, le numérique est à considérer, mais ce n’est pas le seul. Christian Saint-Étienne et Olivier de Maison Rouge ajoutent à la liste la défense, la finance, l’agro-alimentaire, la santé-pharmacie, l’énergie, le transport et l’espace.

« Côté finance, les États-Unis dominent le marché du M&A en Europe. Ce sont les opérations qui génèrent les profits les plus élevés et les liens les plus forts avec la clientèle. Le risque avec la tendance actuelle, c’est que les banques européennes soient cantonnées dans des opérations standards, moins rémunératrices », regrette Christian Saint-Étienne. Un constat confirmé par le fournisseur de données financières Refinitiv, qui consacre les banques américaines au sein du top 10 des opérations de M&A au premier semestre 2021. « Même en matière d’énergie, nous dépendons des importations de gaz et de pétrole venant de Russie ou du Moyen-Orient », poursuit Christian Saint-Étienne. Un rapport du Sénat daté de janvier 2022 note que l’Europe importe environ 3 millions de barils par jour en provenance du Golfe persique, soit 45% de ses importations pétrolières, quand la Russie fournit près de 50% du gaz naturel et 20% du pétrole consommés dans l’Union Européenne.

Souveraineté et sécurité nationale

« Ces sujets de souveraineté sont liés à la sécurité nationale », explique Olivier de Maison Rouge. C’est-à-dire qu’il s’agit de secteurs dont dépendent les intérêts stratégiques de la nation : si leur activité venait à être perturbée, cela pourrait bouleverser le fonctionnement du pays. « C’est pour cela qu’ils sont protégés en partie par l’article L. 151-3 du code monétaire et financier, qui soumet les investissements étrangers à une procédure d’autorisation préalable dans le cas où ceux-ci menaceraient les intérêts du pays », explique-t-il, tout en reconnaissant la difficulté de « figer » les secteurs à protéger en priorité. « C’est très mouvant, en fonction des rapports économiques et géopolitiques. Aujourd’hui, on s’intéresse beaucoup à la cybersécurité, mais ça n’était pas du tout le cas il y a 20 ans. » Pour Olivier de Maison Rouge, un bon exercice pour identifier les prochains secteurs stratégiques consiste à surveiller ce qui se passe du côté de la Chine. « En matière d’intelligence économique, la Chine sait tirer son épingle du jeu. Depuis une vingtaine d’années, elle a investi – mais aussi espionné – tous les secteurs qui font aujourd’hui la force des nations au niveau mondial : aéronautique, automobile, construction navale… » Il considère qu’en ce moment, la bataille doit se mener du côté de la cybersécurité en général, mais surtout de la santé numérique. « La Chine s’intéresse à ce sujet depuis plusieurs années déjà. Aujourd’hui, la course s’accélère à cause du Covid-19, il faut faire preuve de vigilance », conclut-il.

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

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