Ils étaient 1 800 en 2018, on en compte désormais 2 500. D’ici 2022, la France en recensera 3 000 à 3 500. Ici, nous parlons des tiers-lieux, ces endroits hybrides qui cassent les codes de l’entreprise traditionnelle. Espaces de coworking, fablabs (manufactures de proximité, ndlr)… les tiers-lieux se déclinent sous plusieurs formes. Et si leur définition est large, ce n’est pas par hasard. « Le but est de réunir toutes les activités et tous les secteurs. C’est une sorte de troisième lieu, entre le domicile et l’entreprise. Ce flou nous permet de laisser une grande liberté à ceux qui décident de s’y rendre », précise Marie-Laure Cuvelier, secrétaire générale de l’association France Tiers-Lieux. C’est l’organisation du lieu, autour du triptyque individus – collectif – territoire, qui le définit. « Chaque territoire réunit les ingrédients d’un écosystème : les habitants, les associations, les collectivités, les entreprises… mais ces entités ne se croisent jamais. Le rôle du tiers-lieu est de venir résoudre cette équation », rappelle-t-elle, soulignant le rôle à jouer es élus locaux.
248 millions de chiffre d’affaires
À leurs débuts, les tiers-lieux n’avaient pas la même popularité qu’aujourd’hui dans le cœur des collectivités. « Le concept faisait même fuir les élus », avoue Marie-Laure Cuvelier. Depuis, ces derniers ont pris le sujet à bras le corps – de la collectivité locale, jusqu’à Matignon. Le 27 août dernier, lors d’un déplacement dans le Calvados, le Premier ministre a ainsi annoncé la mise en place d’une enveloppe de 130 millions d’euros à destination des tiers-lieux. « Cette nouvelle économie doit trouver son modèle, il faut qu’elle s’installe dans la durée », avait alors insisté Jean Castex. Car c’est bien d’économie dont il s’agit : d’après le dernier rapport de France Tiers-Lieux, en 2019, ils ont ainsi réuni 150 000 individus au quotidien, et créé 6 300 emplois non délocalisables et ont généré un chiffre d’affaires cumulé de 248 millions d’euros.
Des projets qui redynamisent les territoires
Au fil des ans, les tiers-lieux sont devenus des espaces favorables à l’éclosion des idées et des rencontres bénéfiques aux territoires. Ainsi, un apiculteur des Landes a rencontré dans un tiers-lieux un spécialiste des drones. En discutant de façon informelle, ce dernier proposé une solution aux problèmes de l’apiculteur. Ensemble, ils ont créé un drone avec un réservoir d’insecticides pour sauver la ruche.
Ces espaces permettent aussi de redynamiser les zones rurales, délaissées de toute activité économique. « Dans les villages où les commerces ont disparu, ils peuvent être une aubaine formidable pour reconstituer de l’activité et de l’emploi », se réjouit Marie-Laure Cuvelier.
Pour autant, il ne faut pas que les tiers-lieux deviennent des projets de mandat. Ils ont beau concerner tout le prisme d’action des communes – des activités scolaires au développement durable –, il faut bien souvent des années pour les faire émerger. Résultat : il arrive que des élus abandonnent les projets en cours de route. « Par ailleurs, ce sont des endroits qui prônent l’auto-gestion, rappelle l’association. Une politique trop interventionniste de la part des décideurs territoriaux n’est pas toujours bien accueillie. »
Ainsi, la collectivité doit se positionner en tant que « facilitatrice » pour encourager l’installation d’un nouvel espace, conclut Marie-Laure Cuvelier. Par exemple, la mairie peut décider de mettre à disposition un foncier vacant, ou louer une salle municipale. « Il y a un rapport avec le patrimoine qui est très intéressant pour la commune. Plutôt que de le détruire pour un projet immobilier, les élus participeront à la revalorisation du patrimoine qui raconte l’histoire du territoire. »