Alors que l’inflation atteint des sommets, les TPE et PME encaissent le choc. Les trésoreries s’asséchant, 72% des entreprises prévoient d’allonger les délais de paiement de leurs fournisseurs, selon un sondage réalisé par le cabinet de juristes Arc. Pire : une étude de la Fédération des entrepreneurs et entreprises de France (Feef) indique que 39% des PME fournisseuses de la distribution envisagent d’arrêter leur production. Pour réduire leurs coûts et se donner davantage de chances de survivre, certaines TPE et PME font le choix de se regrouper au sein de centrales d’achat pour disposer d’un meilleur pouvoir de négociation avec leurs fournisseurs. Alexis Raymond, fondateur et dirigeant de la centrale d’achat Achat Centrale, dédiée aux petites et moyennes structures, décortique ce phénomène.
Intelekto : Pourquoi avoir créé Achat Centrale ?
Alexis Raymond : Avant de créer Achat Centrale, j’ai été acheteur chez Carrefour pendant 10 ans. Les acheteurs de Carrefour ont la réputation d’être très bons mais c’est surtout parce qu’ils bénéficient de volumes d’achats tellement importants que leurs fournisseurs n’ont pas de levier de négociation. Pour certaines PME ou ETI, les achats d’un groupe comme Carrefour peuvent représenter jusqu’à 20% de leur chiffre d’affaires. J’ai créé Achat Centrale pour reproduire le modèle de volume d’achats pour le compte des TPE-PME, afin qu’elles puissent payer les mêmes tarifs que les grandes entreprises. Ce n’est pas normal qu’une PME paye un téléphone 5 fois plus cher qu’un grand groupe chez le même opérateur.
Comment ces achats groupés fonctionnent-ils ?
A.R.: Nous regroupons un maximum d’entreprises indépendantes, qui sont libres de choisir les fournisseurs qui les intéressent. Nous nous concentrons sur des achats qui concernent 100% des PME : les frais généraux (extincteurs, télécoms, informatique…), qui représentent entre 5 et 7% du chiffre d’affaires d’une entreprise. Les TPE-PME savent négocier leurs achats stratégiques. Un boulanger connaît le cours de la farine, peut négocier avec son fournisseur ce genre d’achats métier stratégiques. Mais il ne connaît pas les tarifs du matériel électronique, qu’il achète épisodiquement. Nous l’aidons à trouver ce juste prix.
À partir de quel seuil ces achats groupés deviennent-ils intéressants ?
A.R.: Quand nous nous sommes lancés, nous avions une quinzaine de clients et nous pouvions déjà leur proposer des prix négociés. Aujourd’hui, nous avons plus de 15000 entreprises clientes, à qui nous proposons des prix 2 fois inférieurs à ceux que l’on proposait au départ. Nos réductions sont en moyenne de 30% et peuvent aller jusqu’à 40% par rapport aux prix publics. Et les économies réalisées vont bien au-delà de la différence entre le prix affiché et celui que nos clients payent : nous évitons à leurs assistants de direction de passer des heures à comparer les tarifs et négocier avec les fournisseurs. Autant de coûts cachés évités !
N’importe quelle entreprise peut-elle passer par une centrale d’achats ?
A.R.: Nos clients emploient entre 1 et 3000 salariés et tous payent leurs fournitures au même prix. Pourtant, les centrales d’achats ne captent que 5% du marché des frais généraux, 95% des achats sont réalisés directement auprès des fournisseurs.
Qu’est-ce qui explique une si petite part de marché ?
A.R.: D’abord, certaines croyances ont la vie dure, comme celle selon laquelle si on paye cher, on obtient un produit de bonne qualité. Comme les TPE-PME n’ont aucune notion des tarifs de certains équipements, comme les photocopieurs, elles peuvent payer des prix indécents, qui n’ont rien à voir avec la qualité de ce qui leur est livré. Ensuite, les entreprises ne connaissent tout simplement pas l’existence des centrales d’achats. Il n’y a qu’à regarder les tarifs du mot-clé « centrale d’achats » sur Google… Il n’est pas concurrentiel !
L’inflation actuelle peut-elle changer la donne ?
A.R.: En effet, jusqu’ici les dirigeants suivaient surtout les achats métier. Les frais généraux n’étaient pas stratégiques pour eux. Aujourd’hui, ils cherchent à réduire l’ensemble de leurs coûts. Nous constatons un afflux de demandes entrantes.
La hausse des prix ne réduit-elle pas les remises que vous pouvez proposer ?
A.R.: Nous avons aussi subi la hausse des prix, c’est vrai. Mais quand le tarif public augmente de 10%, comme cela a été le cas pour les ramettes de papier, par exemple, nous limitons la hausse à 3 ou 4%, ce qui fait au contraire que nos réductions sont d’autant plus importantes. Nous proposons de la déflation à nos clients !
Biographie
Diplômé de l’école de commerce d’Angers (Essca) en 2004, Alexis Raymond réalise la première partie de sa carrière au sein du groupe Carrefour, où il alterne entre le rôle d’acheteur et celui d’auditeur des achats. En 2011, il crée Achat Centrale, une centrale d’achats dédiée aux TPE et PME pour les aider à obtenir des rabais auprès de leurs fournisseurs. En 2017, l’entreprise passe le cap des 100 millions d’euros d’achats réalisés.