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L’Europe doit-elle avoir son propre SpaceX ?

Le 31 janvier 2022, SpaceX procède au lancement de la mission SkyMed
© SpaceX via Flickr

En 20 ans, l’entreprise d’Elon Musk a bouleversé le secteur spatial. L’Europe doit-elle et peut-elle répliquer ce succès avec ses propres acteurs ? Débat d’experts.

Née en 2002, SpaceX fête cette année ses 20 ans de la plus belle des manières : mi-juin, l’entreprise créée par Elon Musk a réussi l’exploit de procéder à 3 décollages de fusées en 3 jours. Un record qui illustre l’avance prise par l’Américain dans le domaine. Grâce à son modèle inédit ? Au lieu de se spécialiser sur un segment de marché, SpaceX a pris le parti de développer conjointement des lanceurs (notamment Starship, son fer de lance), des véhicules (le cargo Dragon et le vaisseau conçu pour des vols habités CrewDragon) et une méga-constellation de satellites de télécommunications, baptisée Starlink. Cette dernière activité lui a permis de devenir un fournisseur d’accès à Internet et lui assure de confortables revenus – environ 10 milliards de dollars annuels. En prenant exemple sur ce succès, l’Europe doit-elle essayer de faire émerger son propre SpaceX ?

Pierre-José Billotte, fondateur des Assises du NewSpace : “Il faut produire 4 à 5 licornes spatiales d’ici 5 ans”

« Comparaison ne vaut pas raison : le système américain a sa propre dynamique, sa propre logique. Vouloir copier SpaceX qui a 10 ans d’avance n’a pas de sens. Et faire émerger un concurrent de SpaceX serait très réducteur.

L’enjeu est de faire grossir l’écosystème spatial tricolore en développant l’innovation et en répondant aux enjeux de long terme, notamment relayés par l’opinion publique, qui n’est pas du tout prise en compte par le secteur spatial américain. Il faut construire un écosystème, le nourrir par du financement, de l’innovation et des clients, ainsi qu’investir dans la formation. C’est cela qui permettra de générer un ensemble d’acteurs nouveaux, porteurs pour le spatial français.

L’indicateur à terme qui mesurera ce progrès sera notre capacité à maintenir des positions de leadership mondial et en acquérir de nouvelles. L’Europe, et particulièrement la France, a déjà produit ADS, TAS, Ariane. Mais les grands acteurs industriels ne sont pas immortels. Il faut en permanence enrichir le tissu industriel spatial. L’idée est donc de maintenir des positions de standing mondial mais aussi faire émerger des BlaBlaCar du spatial, si je puis dire : produire 4 à 5 licornes d’ici 5 ans. Notre stratégie est de construire ensemble, pas les uns contre les autres. C’est, pour moi, la voie de la réussite. »

Sandrine Lafont, responsable Télécommunications par satellite au CNES : « Nous n’avons aujourd’hui pas besoin de systèmes totalement sous notre contrôle »

« Il faut d’abord se poser la question du besoin : a-t-on besoin d’un système possédé et contrôlé par des acteurs européens pour les utilisateurs – entreprises et particuliers – ou pour des usages régaliens ? Nous devons en parallèle regarder comment mieux utiliser les systèmes géostationnaires pour ne pas devenir dépendants de systèmes étrangers car la création d’une constellation européenne prendra quelques années…

Nous pouvons agir sans attendre d’avoir un système totalement sous notre contrôle. Il est possible d’imposer des règles aux opérateurs non européens sur notre territoire, en se saisissant des outils politiques et réglementaires qui existent. Il faudrait pour cela une prise de conscience politique. Les États-Unis ne se privent d’ailleurs pas de le faire car les systèmes comme Starlink sont très expansionnistes et tendent à verrouiller le marché.

Il faudrait donc commencer par réguler, d’autant qu’il y a déjà trop de satellites en orbite et mal contrôlés, ce qui pose la question des débris. Ils posent un certain nombre de problèmes, pour l’observation du ciel ou tout simplement l’accès général à l’Espace, au point que la Nasa s’en est émue. Il existe à l’heure actuellement une course au nombre de systèmes et de satellites qu’il faudrait freiner car l’auto-limitation des entreprises comme SpaceX ne marche pas. »

Hélène Huby, fondatrice de The Exploration Company : « L’Europe doit disposer d’un jet capable d’atteindre tous les endroits stratégiques »

« L’Europe doit s’efforcer de bâtir de très gros nouveaux acteurs, car leur vitesse d’innovation sera exceptionnelle. Mais plutôt que d’imiter SpaceX, mieux vaut trouver notre propre positionnement stratégique et technique. Prenez notre capacité de dissuasion nucléaire : l’arsenal français est moins considérable que celui des États-Unis ou de la Chine, mais il suffit à nous crédibiliser et à justifier un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies. Pour le transport spatial, à mon sens, l’Europe doit disposer d’un jet capable à la fois d’atteindre tous les endroits stratégiques, et de trouver un marché.

Il faut donc très vite aller vers une architecture de type Starship – modulaire et réutilisable – mais l’Europe n’a pas besoin de savoir transporter 100 tonnes pour être autonome sur les trajets clés. Qui plus est, des charges utiles 100 à 50 fois inférieures lui ouvrent un business model complémentaire à SpaceX : les trajets fréquents à faible charge.

Je pense aussi que l’Europe gagnerait à travailler sur la propulsion nucléaire, qui ramènerait le trajet vers Mars à un mois, au lieu de neuf en combustion chimique. La Nasa et le ministère américain de la Défense commencent à investir là-dessus. Or l’Europe possède un vrai savoir-faire en la matière. C’est, à mon avis, une technologie qui nous permettrait de retrouver notre leadership spatial. »

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

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