La pandémie de Covid-19 a incité les États membres de l’Union Européenne à renforcer leurs mécaniques de contrôle des investissements étrangers – voire à en créer de nouveaux, dans certains cas. Aujourd’hui, sur les 27 membres, 18 ont de tels dispositifs.
Ceux-ci dépendent de 4 variables :
- La première variable est celle de l’éligibilité. Est-ce que le secteur concerné est considéré comme « sensible » au point d’entraîner un contrôle ? La liste des activités contrôlées est mouvante, et suffisamment floue pour pouvoir concerner certaines opérations au cas par cas.
- La seconde variable est celle du caractère obligatoire de la demande d’autorisation. Dans la majorité des cas, les demandes ne sont obligatoires qu’au-delà d’un certain seuil de participation.
- La troisième variable est donc ce seuil de participation. En France il est de 25% en temps normal. Il a été abaissé « temporairement » à 10% à cause de la pandémie.
- Enfin, la quatrième variable est le délai de réponse. En France, il est de 30 jours ouvrés. Il peut être allongé de 45 jours supplémentaire si le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique souhaite demander des engagements à un investisseur qu’il considère éligible ou se donne le temps de réfléchir avant un refus.
Un nouveau mécanisme européen
En octobre 2020, la Commission européenne a officialisé le lancement du mécanisme européen de filtrage des investissements directs étrangers. L’objectif ? Coordonner les mécanismes de contrôle pour les opérations d’investisseurs non-européens, tout en donnant à la Commission un rôle de conseil. Sans se substituer aux lois nationales, ce dispositif permet d’inciter les États membres qui n’en auraient pas à se protéger, surtout dans les secteurs qui peuvent entraîner un financement de la part de l’UE (transports, énergie, télécoms) ou qui peuvent menacer la sécurité ou l’ordre public à grande échelle (intelligence artificielle, robotique, semiconducteurs).
Maturité et spécificités françaises
Pour Sophie Pelé, avocate et Partner chez Dechert LLP, le nouveau mécanisme européen de filtrage des IDE permet une forme « d’harmonisation » des contrôles au sein de l’UE… du moins, sur le papier. « Les activités concernées par les contrôles sont décrites de façon plus ou moins vague. Concernant la protection des données, par exemple, les interprétations divergent au sein des États membres. Il en va de même pour la définition même d’investisseur étranger : en France, les autres États membres sont considérés comme tels. Ce n’est pas le cas partout, certains pays proposent des contrôles moindres intra-UE. »
Elle explique ces particularités par la maturité du régime français, qui a précédé le règlement européen. En France, la réglementation qui entoure le contrôle des investissements étrangers au sein des secteurs stratégiques et sensibles existe depuis 1966. Depuis, elle a été revue à de multiples reprises. Arnaud Montebourg, lorsqu’il était ministre du redressement productif, avait notamment élargi le périmètre des contrôles pour éviter à Alstom d’être racheté par General Electric. La loi Pacte de 2019 a également changé la donne, en facilitant l’échange dans le cas où un investisseur discuterait les décisions de Bercy. En parallèle, la liste des secteurs protégés ne cesse de bouger. « Cela entraîne forcément des nuances. Les questions de souveraineté ne sont, par définition, pas les mêmes d’un pays à l’autre. »
Pour autant, elle n’estime pas que la France soit particulièrement sévère. « Notre régime a longtemps été dormant. Il est aujourd’hui très actif, mais moyennement restrictif. Il reste, selon moi, encore dans une phase de pédagogie, mais l’on observe clairement une demande croissante d’engagements », conclut-elle.
Retrouvez notre carte interactive qui analyse les différentes conditions de contrôle par pays au sein de l’Union Européenne :