Christopher Dembik est Directeur de la Recherche macroéconomique au sein de la banque d’investissement Saxo Bank. Il conseille également des entreprises innovantes.
Après avoir été montrée du doigt pendant de nombreuses années, la France parvient à attirer plus d’investissements étrangers que n’importe quel autre pays d’Europe. A-t-elle atteint un rythme de croisière en la matière ?
Christopher Dembik : De nombreuses réformes ont déjà été réalisées. Si une entreprise étrangère cherche à s’implanter en France, elle a aujourd’hui accès à une myriade d’aides, d’incitations fiscales ou d’exemptions de taxation. Si l’on exclut la concurrence de pays comme Malte qui n’ont aucune imposition sur les sociétés, la France est un paradis en matière d’accompagnement pour les investisseurs étrangers. Mais elle l’est tout autant que l’Allemagne, par exemple.
Qu’est-ce qui permettra de se démarquer de nos voisins ?
C.D. : C’est donc sur le plan de la communication que cela se joue. Il faut garder en tête un aspect essentiel, c’est que les investisseurs étrangers ont une grille de lecture simpliste, sans connotation négative de ma part. Ils font face à un choix extrêmement large de zones d’implantation. Ils connaissent peu la réalité des réformes ou des dispositifs d’accompagnement. Ce qui va davantage jouer dans leur décision, c’est la communication. Indéniablement, la communication pro-business du gouvernement sous la présidence Macron depuis 2017 a eu un effet très positif sur la perception de la France par les investisseurs étrangers. Alors même que les dispositifs d’aide étaient peu ou prou les mêmes à la fin du quinquennat Hollande et lors des premières années du quinquennat Macron.
La France ne peut donc plus s’améliorer ?
C.D. : Si, bien sûr. Par exemple, les nombreux dispositifs en place impliquent que les investisseurs étrangers ont affaire à de nombreux interlocuteurs. Ils doivent se faire accompagner de conseils externes pour s’y retrouver. C’est le principal revers de la médaille. Mais il est possible d’améliorer cela : au Japon, par exemple, les différents dispositifs sont centralisés par le très puissant Ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie, le fameux Meti, qui relaie ensuite les demandes aux différentes administrations. D’un point de vue organisationnel, il serait possible d’instaurer une sorte de guichet unique en France. Cela donnerait à la France un véritable avantage par rapport à ses concurrents directs. Mais il existe une concurrence entre les administrations, qui ont des cultures différentes. Cela créerait quelques frictions…
Et en ce qui concerne la fiscalité ?
C.D. : Un autre élément qui serait apprécié, c’est une baisse durable des charges patronales. Mais attention, pas uniquement sur les bas salaires. Aujourd’hui, les charges sont deux fois plus élevées en France qu’en Allemagne sur un salaire de 4 000 euros brut. C’est un vrai sujet parce que les ingénieurs se voient proposer à l’étranger des salaires incomparables à ce qu’il se pratique en France. J’ai conscience que c’est politiquement difficile de proposer cela, que la campagne est plutôt centrée sur les personnes qui ont du mal à boucler leurs fins de mois à cause de l’inflation. Mais malgré tout, si on souhaite avoir une économie compétitive, il faudra s’interroger sur ce sujet. Les employeurs n’ont pas de difficultés à trouver des personnels non qualifiés, ils en ont à trouver des salariés hautement qualifiés et à les retenir. Et les investisseurs étrangers viennent en France chercher des talents très qualifiés.
Y a t-il des dispositifs aujourd’hui en place qu’il faut à tout prix maintenir ?
C.D. : Je sais qu’il existe un débat sur les lacunes du crédit d’impôt recherche (CIR). Il avantage principalement les grandes sociétés, crée des effets d’aubaine, c’est indéniable. Il coûte cher à l’État. Le remettre en question n’est pas dans les projets des deux candidats au second tour mais cela a été évoqué pendant la campagne (Anne Hidalgo a proposé de le réformer, NDLR). C’est un mastodonte compliqué à réformer. Il n’existe aujourd’hui aucun autre dispositif, au niveau mondial – même pas aux États-Unis – aussi attractif que le CIR. C’est un dispositif bien identifié et bien connu des investisseurs étrangers. Ce ne serait pas une bonne idée de vouloir y toucher.
Biographie
Économiste de formation, Christopher Dembik a travaillé pour la Direction générale du Trésor avant de rejoindre la banque d’investissement Saxo Bank en 2014. Il en est aujourd’hui le Directeur de la Recherche macroéconomique. Il a auparavant conseillé des députés et des candidats à l’élection présidentielle sur leurs programmes économiques. Il est également présent au conseil d’administration de deux entreprises innovantes : la Fintech Helios et la start-up spécialiste de l’intelligence artificielle Substrate AI. En 2021, il a publié un livre intitulé Questions d’économie contemporaine.