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Pourquoi les fonds cherchent à se passer d’intermédiaires

Panneau Ne Pas Entrer devant un parc
© Renee Fisher via Unsplash

En structurant en interne la recherche de co-investisseurs pour leurs participations mais aussi des études de marché, les fonds cherchent à court-circuiter les leveurs et banquiers d’affaires.

Leveurs de fonds, banques ou avocats d’affaires… De nombreux intermédiaires financiers et juridiques s’offrent aux entreprises pour les aider à lever des fonds. Le plus souvent, ce sont même les fonds d’investissement qui les missionnent pour préparer les futurs tours de table de leurs participations. Et pourtant… les relations entre investisseurs et facilitateurs de levées de fonds ne sont pas toujours au beau fixe. Et pour cause : les fonds cherchent de plus en plus à gérer eux-mêmes tout un pan de l’activité de certains intermédiaires, de la recherche de nouveaux partenaires financiers à l’accompagnement des dirigeants d’entreprise dans la constitution de leur dossier de levée de fonds (pitch deck, business plan, étude de marché…).

Réduire le coût d’un investissement

Cela leur permet de faire baisser le coût d’un investissement, sans avoir à rétribuer un tiers lorsqu’ils le missionnent pour rechercher de nouveaux investisseurs. « Il faut qu’on puisse avoir de bonnes chances de facturer nos honoraires sur l’opération et pas sur les frais de gestion du fonds, or les intermédiaires coûtent cher », glisse une investisseuse. Un calcul à courte vue, estiment de leur côté lesdits intermédiaires. Notamment parce que les tours de table où aucun intermédiaire n’est présent sont moins concurrentiels. « Les investisseurs de venture capital n’ont pas intérêt à passer par un banquier d’affaires parce que celui-ci procède à une mise en concurrence », observe Patrick Robin, co-fondateur de la banque d’affaires Avolta Partners. Un rééquilibrage des pouvoirs en faveur des start-up qui fait grincer des dents : en faisant grimper les valorisations, les intermédiaires contribuent à faire augmenter les tickets d’entrée des fonds. Mais, à terme, faire jouer la concurrence permet d’obtenir de meilleures valorisations et donc des perspectives de sortie plus intéressantes. « Les fonds n’apprécient pas toujours qu’on gère la levée d’une société dans laquelle ils souhaitent investir. Mais une fois qu’ils en sont actionnaires, ils sont très contents qu’on aide leurs participations dans les séries B et au-delà », résume ainsi Romain Dehaussy, associé de la banque d’affaires Cambon Partners.

Évaluer le véritable travail réalisé

Forts de nouveaux outils de veille et grâce à des équipes dédiées, les fonds remettent aussi en cause la valeur ajoutée apportée par les cabinets de conseil et banques d’affaires. « Sur les valorisations, par exemple, ils sont très éloignés des sujets et leur travail n’est pas toujours à la hauteur », fustige la même investisseuse. « Pour l’analyse de marché, ils sont biaisés parce qu’ils ont signé avec leur client. On ne prendra pas pour argent comptant ce qu’ils disent », évacue de son côté Thomas Rival, partner de la branche Start du fonds Evolem. Une suspicion de travail bâclé qui provoque des rires jaunes du côté des incriminés. « C’est risible, tranche Patrick Robin. Beaucoup s’imaginent qu’une banque d’affaires, c’est juste un carnet d’adresses, que l’on est un marieur. Mais le carnet d’adresses n’a aucune valeur, on l’offre par rapport à tout le travail que l’on fait par ailleurs. » Il se plaît à lister le contenu des « centaines d’heures de travail » que demande une opération :

  • la préparation de la documentation (business plan, mémorandum regroupant l’analyse de marché, l’univers concurrentiel, l’évaluation du produit et le go-to-market). « Le travail de trois personnes à temps plein durant cinq à six semaines », évalue Patrick Robin ;
  • pitch, la négociation des term sheets (conditions d’investissement préalables à la signature du contrat) et des règles de gouvernance, la comparaison des offres et la gestion des due diligences et des audits. « Il existe aujourd’hui 2 000 investisseurs en Europe », glisse le partner d’Avolta pour esquisser la somme de travail que cela représente de trouver les bons interlocuteurs ;
  • et enfin l’organisation du closing à proprement parler, avec la gestion des avocats et la validation de la documentation juridique. « Un audit, c’est 400 à 600 questions auxquelles il faut apporter des réponses documentées », liste encore Patrick Robin.

Personne n’est indispensable ?

Au regard de ce travail, dirigeants d’entreprise comme fonds peuvent-ils se permettre de ne pas s’offrir les services d’intermédiaires ? Oui, répondent les fonds comme les banques d’affaires. D’abord parce que, comme les fonds, les leveurs et les banquiers d’affaires choisissent leurs dossiers. « Nous sommes payés exclusivement au succès, nous sommes donc obligés d’être sélectifs sur la qualité du dossier et le niveau d’honoraires que nous pouvons en espérer », explique Patrick Robin. « Si l’opération ne se fait pas, nous sommes payés des queues de cerises – autour de 20 000 euros, en général, pour plusieurs mois de travail », abonde Romain Dehaussy. De quoi expliquer que les levées effectuées avant la série A trouvent difficilement preneur du côté des leveurs. D’autant qu’à ce stade, les éléments présentés par les entreprises restent sommaires. « En pré-seed, l’investissement valide un marché et une équipe ; en seed, un produit, mais le canal de distribution n’arrive qu’à la série A », égrène Thomas Rival.
Ensuite parce que les fonds usent de tours de passe-passe. « Certains fonds cherchent à préempter les dossiers, c’est un moyen d’écarter les intermédiaires », ajoute l’associé de Cambon Partners. En sollicitant directement les start-up pour se positionner sur leur prochain tour de table, les fonds court-circuitent les leveurs et banquiers d’affaires, ainsi que leurs concurrents potentiels. Les fonds se passeront-ils bientôt totalement d’intermédiaires ? C’est peu probable, au vu de la montée en puissance des investisseurs étrangers dans l’Hexagone. « Chez Avolta, les deux tiers des dossiers supervisés comptent au moins un investisseur étranger, contre un tiers en moyenne par ailleurs », souligne Patrick Robin. Davantage habitués aux leveurs et aux cabinets d’affaires, ceux-ci sont moins réticents que les fonds tricolores à travailler avec eux.

Mélanie Roosen & Géraldine Russell

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