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Nicolas Vanderbiest (Saper Vedere) : « Les dégâts des crises réputationnelles ne sont pas là où on le croit »

Nicolas Vanderbiest
© Saper Vedere

Les attaques réputationnelles ont changé. D'après Nicolas Vanderbiest, expert en la matière, elles peuvent désormais toucher toutes les entreprises. Ses conseils pour en limiter les impacts.

Pas un jour sans bad buzz. Les logiques de réseaux permises par les outils numériques revoient totalement la viralité, mais aussi la narration des crises réputationnelles. Pour les entreprises, il est important de mesurer l’impact de ces incidents. Éclairages de Nicolas Vanderbiest, fondateur de Saper Vedere.

À quoi ressemble une crise réputationnelle aujourd’hui ?

Nicolas Vanderbiest : Avec l’avènement des réseaux sociaux, un phénomène tout à fait nouveau est apparu. Les crises réputationnelles, qui ne touchaient que les grosses entreprises à travers les JT, prennent une nouvelle dimension. Il y a 20 ans, une cliente qui n’était pas contente de sa coiffure pouvait râler dans le salon et demander remboursement sans que ça n’aille plus loin. Idem pour un serveur désagréable au restaurant : les convives se plaignaient au patron et ne laissaient pas de pourboire. Aujourd’hui, ces « attaques » profitent d’une « logique de réseau« , c’est-à-dire la potentialité qu’un incident dépasse un cercle restreint pour avoir un impact plus large, par bouche à oreille. Le résultat, c’est qu’un « bad buzz », même ultra-local, peut rapidement faire le tour de la planète avant d’être traité par un média de masse. Les réflexes des clients et consommateurs ont changé : plutôt que d’échanger avec la direction pour essayer d’obtenir compensation, ils préfèrent partager au monde entier l’objet de leur mécontentement. Puis la presse s’empare du tweet assassin ou de la photo qui va faire sensation, sans forcément passer par la case vérification. Ça modifie grandement la narration des crises : l’entreprise n’a aucune maîtrise, ne peut pas faire jouer son service après-vente.

Toutes les entreprises peuvent-elles subir une crise réputationnelle ?

N. V. : Même les plus petites entreprises doivent comprendre que leur public potentiel dépasse leurs clients stricto sensu. Toute la ville, tout le département, toute la région ou tout le pays peut être au courant d’un faux pas. Bien sûr, il y a des valeurs qui permettent à certains sujets de se propager davantage. Sexisme, racisme, politique, gaspillage… de manière générale, tous les sujets qui prêtent au débat public. Un restaurant qui aura une altercation avec un client végane risquera de s’attirer les foudres de la communauté concernée, car c’est un sujet sensible. Idem pour un établissement qui refusera de servir une femme voilée.

Au-delà de l’image d’une société, qu’est-ce qu’une crise réputationnelle peut endommager ?

N. V. : Avant toute chose, il faut bien comprendre que si une entreprise que l’on adore souffre d’un « bad buzz », on aura tendance à le minimiser. Si un dossier sort sur les gérants du supermarché du coin mais que c’est le plus pratique pour faire ses courses, il y a peu de chances que les clients arrêtent de s’y rendre. En 2019, des photos montrant les gérants d’un Super U du Rhône en plein safari avaient fuité sur les réseaux sociaux. Les militants de la cause animale les ont partagées en masse, poussant le siège à réagir – alors qu’il s’agissait d’un magasin franchisé. Mais il n’y a eu aucun impact financier. Les gens ne vont pas changer leurs habitudes pour une affaire comme celle-ci. Cela dit, les conséquences sont différentes selon les activités. Dans le secteur touristique, une attaque réputationnelle organisée à coups d’avis négatifs sur Google ou Tripadvisor peut réellement pénaliser un établissement, et avoir une conséquence directe sur son chiffre d’affaires. Enfin, en interne, une crise réputationnelle peut avoir un impact énorme. Pour les équipes social media et communication, s’il y en a, d’abord. Pour la direction, ensuite, qui peut facilement monter en épingle un brouhaha médiatique qui n’a en réalité que peu de conséquence économique.

Les petites entreprises ont-elles les moyens de faire face à ces attaques ?

N. V. : Ce qui compte dans une crise, ce n’est pas de la résoudre mais d’en mesurer l’impact. Pour les petites structures, une crise réputationnelle peut être véritablement effrayante. La première chose à faire est de mettre en place un dispositif de veille. Il n’y a pas si longtemps, l’intelligence économique était une discipline réservée aux professionnels de l’information – voire, de l’investigation. C’était très compliqué. Aujourd’hui, c’est différent : nous sommes dans une démarche d’open data incitée par le gouvernement ! Il y a une vraie opportunité pour les PME et ETI d’accéder à des données qui ont longtemps été indisponibles. Il existe une gamme d’offres et de services très vastes. Une simple « Google Alert » sur sa marque, gratuite, permet de surveiller ce qui s’en dit. Pour une dizaine d’euros mensuels, il est possible de surveiller les mentions qui sont faites de sa marque en ligne grâce à des outils de veille automatisée. À l’autre bout du prisme financier se trouvent des cabinets qui réalisent des audits personnalisés. Mais de manière générale, je dirais que le plus important est de reprendre le contrôle du temps. Si l’on s’aperçoit qu’une crise débute, plutôt que de contacter une agence de RP qui prendra du temps à réagir, il faut agir à la source pour la désamorcer, prendre les devants, et tout faire pour gagner du temps.

Biographie

Diplômé de l’ULB en communication, Nicolas Vanderbiest a fondé le cabinet d’études et de conseil Saper Vedere, sur la base de méthodologies innovantes développées durant ses missions de conseil auprès du CAC 40, menées parallèlement à ses activités de recherche sur les crises de réputation des organisations sur les médias sociaux. Il est aujourd’hui en charge des opérations de Saper Vedere, où il transforme les problématiques des clients en méthodologies adaptées à leurs besoins tout en continuant de conseiller les grands groupes sur leur situation de crise.

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