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Comment l’intelligence artificielle peut détecter les défaillances d’entreprises

Un réseau de neurones
© Alina Grubnyak via Unsplash

Trop de données produites par les entreprises ne sont pas valorisées. Pourtant, bien étudiées, elles pourraient permettre de prévenir leurs difficultés – voire leur défaillance – et d'éviter l’activation trop tardive de dispositifs de rebond. Dans ce cadre, l’intelligence artificielle peut se révéler être une précieuse alliée.

Trop de données produites par les entreprises ne sont pas valorisées. Pourtant, bien étudiées, elles pourraient permettre de prévenir leurs difficultés – voire leur défaillance – et d’éviter l’activation trop tardive de dispositifs de rebond. Dans ce cadre, l’intelligence artificielle peut se révéler être une précieuse alliée.

« L’intelligence artificielle augmente l’intelligence humaine ». C’est le credo de la start-up d’État Signaux Faibles portée par la Direction générale des entreprises (DGE). Elle utilise l’intelligence artificielle pour identifier le plus en amont possible les difficultés des entreprises afin de mieux les accompagner. Le constat de départ ? Les données des entreprises sont peu valorisées, les services de l’État sont sollicités trop tardivement et, de ce fait, les dispositifs d’aides pour le rebond des sociétés concernées sont actionnés trop tardivement. Après une phase d’expérimentation en Bourgogne-Franche Comté dès 2016-2017, l’outil, qui est notamment employé par les Commissaires aux restructurations et prévention des difficultés d’entreprises (CRP), est désormais déployé sur tout le territoire national et a été ajusté pour prendre en compte les nouvelles fragilités de 2020-2021. Signaux Faibles, qui détecte à 18 mois le risque de défaillance – procédure collective ou faillite – analyse les données des entreprises à partir de 10 salariés. En deçà de ce seuil, les comportements sont trop variables selon les secteurs, tranches d’effectifs et structures juridiques, et il peut exister des « trous » dans les données financières. Autant d’éléments qui conduisent à beaucoup de bruit dans le modèle prédictif actuel et ne permettent pas de voir clairement des tendances ressortir.

Du sur-mesure

D’autres initiatives à base d’intelligence artificielle permettent d’anticiper l’évolution de la santé financière des entreprises. Ainsi, Infogreffe, le groupement d’intérêt public des greffes des tribunaux de commerce français, a lancé sa propre solution en s’appuyant sur l’outil développé par la société Datategy. Des données disponibles en open data provenant d’une dizaine de bases sont analysées afin d’attribuer une note allant de 0 à 100 pour chaque entreprise. Ce scoring est accessible à toutes les entreprises disposant d’un bilan, et un rapport détaille la note. Une quinzaine d’items sont analysés, selon les secteurs ou l’actualité – en particulier celle liée au Covid. « Si l’entreprise a une note inférieure à 30, son dossier est directement transmis au tribunal qui se charge de la contacter pour l’accompagner dans la résolution de ses problèmes », explique Olivier Ishacian, responsable du service data chez Infogreffe. La force de l’IA par rapport aux autres méthodes ? « Contrairement aux scores classiques, il n’y a pas de formule où l’on pondère le chiffre d’affaires ou le taux d’endettement de manière unique. C’est variable en fonction du secteur d’activité ou encore du nombre de clients de l’entreprise. Tous les critères sont pondérés différemment en fonction de la situation spécifique d’une entreprise. C’est du sur-mesure », explique Mehdi Chouiten, dirigeant de Datategy qui assure que 95% des difficultés potentielles sont ainsi détectées en amont.

S’assurer de la bonne santé financière de ses interlocuteurs

Pour les acteurs financiers, la promesse est alléchante. Ce type de solutions permet d’évaluer la bonne santé financière d’un client ou d’un fournisseur, par exemple. « Un acteur de l’agro-alimentaire doit pouvoir s’assurer que son client-restaurateur pourra le payer. Une TPE peut choisir cette solution ponctuellement pour convaincre son banquier de lui prêter de l’argent. Un dirigeant qui cherche à vendre son entreprise peut se saisir de cet outil pour prouver la robustesse de sa structure. Enfin, un investisseur qui s’intéresse à une société doit pouvoir l’évaluer sur le long terme », développe Thierry Millon, directeur des études chez Altares, spécialiste de l’information sur les entreprises. « Dans le cas où une entreprise est en redressement judiciaire, nous avons aussi besoin d’algorithmes pour dire si elle va s’en sortir », ajoute-t-il, tout en précisant que les acteurs de la banque et de l’assurance sont particulièrement friands de cette technologie.

Nicolas Flouriou, président de l’Association Française des Credit Managers (AFDCC) et credit manager explique ainsi utiliser l’intelligence artificielle dans le cadre de ses activités. « Avant de contractualiser avec un prospect ou de lui accorder un délai de paiement, il faut s’assurer qu’il est solvable et vérifier la probabilité de défaillance à un an à partir d’une multitudes de données. En fonction du score obtenu, il est possible de demander au client des garanties ou un paiement d’avance. Plus le risque est faible, plus les délais accordés seront longs. À l’inverse, plus il est élevé, plus les relances seront envoyées rapidement. »

Il convient, bien entendu, de rester vigilant face aux biais de l’IA. « Il peut y avoir des tensions de trésorerie parce qu’une entreprise a beaucoup investi ou a de mauvais payeurs. L’outil a été pensé pour augmenter notre capacité d’action en prévention, c’est une corde supplémentaire à notre arc, mais l’expertise humaine reste indispensable », conclut Elodie Quézel, la pilote opérationnelle de Signaux Faibles.

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