« Le nombre de PME et PMI déposant des brevets n’est toujours pas au niveau de ce qu’il devrait être. Avec moins de 2 500 dépôts de brevet sur 2020, c’est encore bien trop faible », juge Jean-Christophe Rolland, président de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI) qui regroupe plus de 1 100 professionnels en France. Dans sa dernière étude portant sur le nombre de dépôts de brevet déposé l’an dernier, l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) montre ainsi que les grands groupes français demeurent toujours largement en tête des plus importants pourvoyeurs de demandes de brevets sur les 14 309 enregistrés (en baisse de 9,5 % par rapport à 2019).
PSA, Safran et Valeo en ont déposé plus de 3 000 à eux trois, tandis que les 10 premières PME du classement de l’INPI en totalisent 137. Selon le ministère de l’Économie, seulement 21% des brevets d’invention sont déposés par des TPE-PME, alors que 57% le sont par des grands groupes. Évidemment, les tailles d’entreprises ne sont pas comparables et les moyens non plus, toutefois, avec plus de 4 millions de PME en France « et celles qui disposent d’aides à l’innovation, elles devraient être beaucoup plus nombreuses », remarque Jean-Christophe Rolland. Il avance plusieurs raisons à cette situation : « Leurs dirigeants ont une méconnaissance et montrent parfois un manque d’intérêt pour la protection intellectuelle. » À titre de comparaison, les PME allemandes en déposent près de deux fois plus, selon une étude de France Brevets publiée en 2018.
Pourtant les avantages sont nombreux. « Cela permet au titulaire d’avoir le monopole de sa technologie, de lui garantir des marges et un retour sur investissement, de valoriser son entreprise, mais également de bénéficier d’une image d’entreprise innovante, crédible, qui rassure les investisseurs. »
Un investissement sur le long terme
Autant de bienfaits qui peuvent avoir des conséquences lourdes si la PME n’entreprend pas les démarches nécessaires pour les obtenir : « risque de copie, perte de marché, de confiance et déficit d’image. » Si bien que les organisations représentatives comme l’INPI et la CNCPI militent sur le terrain pour tenter de faire prendre conscience aux dirigeants l’intérêt de déposer un brevet lors du développement d’une innovation. Trois solutions pourraient même inverser la tendance. « Que l’État se mobilise pour mener des actions de sensibilisation et d’éducation à grande échelle, que la stratégie de propriété industrielle soit mieux indiquée dans les cahiers des charges des appels à projets et que nous, conseils en propriété industrielle, identifions mieux les entreprises innovantes », énumère Jean-Christophe Rolland.
Quand on l’interroge sur le coût que représente le dépôt de brevet et qui pourrait freiner certains dirigeants, le président de la CNCPI répond : « Ils doivent voir cela comme un investissement sur le long terme. » Une étude conjointe entre l’Office européen des brevets et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (en date du 8 février 2021) remarque que les petites et moyennes entreprises qui disposent d’une stratégie de dépôt de brevet connaissent ainsi un chiffre d’affaires par salarié supérieur de 20% à celui réalisé par celles qui ne possèdent aucun droit de propriété intellectuelle et versent des rémunérations plus élevées à leurs salariés (+19%).